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Moïse et le buisson ardent

1 « Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb.

2 L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer.

3 Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? »

4 Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! »

5 Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sacrée ! »

6 Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu ». (Exode 3, 1-6 – Trad. Bible liturgique)

 

Ce bel érable d’une propriété voisine a pris ses couleurs de feu de l’automne. Il m’a évoqué cet épisode célèbre du Livre de l’Exode où Yhwh s’adresse à Moïse à travers un buisson en feu qui ne se consume pas. Il va lui demander d’aller faire sortir son peuple d’Egypte où l’esclavage lui devient de plus en plus pesant.

Loranthus acaciae

Loranthus acaciae

Peu de chances que ce buisson ardent fût à l’origine un érable qui ne pousse pas dans cette région désertique. Les botanistes se perdent en conjectures sur la nature de ce buisson **. On pense à une variété de roncier, à un acacia …

« C’est Smith qui, en 1878, pense que la vision du buisson ardent aurait pu être due à une plante parasite à fleurs rouges : le ‘’ Loranthus acaciae ‘’. Les reflets rougeâtres et le soleil aidant donnent bien une impression de feu qui brûle et ne se consume pas ». (** p. 289)

** « Au jardin des plantes de la Bible » par Jean Paquereau, Ed. IDF, 2013, pp. 286-291.

"Moïse et le buisson ardent", l'une des plus anciennes représentations de l'épisode dans la synagogue de Doura Europos. (Photo Wikimedia commons)

"Moïse et le buisson ardent", l'une des plus anciennes représentations de l'épisode dans la synagogue de Doura Europos. (Photo Wikimedia commons)

Thomas Römer (« L’invention de Dieu », Ed. Seuil, Coll. Points, pp. 71-93), avec d’autres exégètes et historiens, pense que Moïse n’a sans doute pas existé en tant que tel car il n’est mentionné nulle part ailleurs dans des documents anciens autres que la bible. Il serait la personnification biblique de plusieurs personnages dont on retrouve trace soit dans l’histoire, soit dans d’autres traditions mythologiques.

Le feu est un élément qu’on retrouve dans toutes les traditions mythologiques : il est interprété avant tout comme une manifestation du divin qui repose sur son caractère mystérieux (obtenu par frottement de cailloux) et parfois démesuré (éruption volcanique, feux de forêt …). On reviendra ultérieurement sur ces divers aspects du feu et leurs symbolismes tels qu’on peut les rencontrer dans la bible.

Domenico Fetti (1589-1623), "Moïse et le buisson ardent" (Photo Wikimedia commons)

Domenico Fetti (1589-1623), "Moïse et le buisson ardent" (Photo Wikimedia commons)

Ici Moïse est intrigué par ce buisson qui brûle sans se consumer ; il décide de passer par derrière le feu pour essayer d’en comprendre les raisons. C’est à ce moment que Dieu l’interpelle.

Ce passage me rappelle le fameux arbre de la connaissance dans le Paradis terrestre dont Adam et Eve avaient l’interdiction de manger les fruits :

« L’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. » (Gn 2, 17)

Ici aussi Dieu interdit à Moïse de s’approcher du buisson ardent et en donne la raison : ce lieu est une terre sacrée qu’il faut respecter en se déchaussant.

La pleine connaissance de toutes choses n’appartient qu’à Dieu. Prétendre en savoir la fin c‘est, pour l’Homme, vouloir s’égaler à Dieu :

« Puis le Seigneur Dieu déclara : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous par la connaissance du bien et du mal ! Maintenant, ne permettons pas qu’il avance la main, qu’il cueille aussi le fruit de l’arbre de vie, qu’il en mange et vive éternellement ! » (Gn 3, 22)

L’éternité n’appartient qu’à Dieu ; il est celui qui traverse les générations :

« Et il déclara : ‘’ Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ’’. » ( Ex 3, 6)

 Sébastien Bourdon (1616-1671), "Le buisson ardent" (Photo Wikimedia commons)

Sébastien Bourdon (1616-1671), "Le buisson ardent" (Photo Wikimedia commons)

Moïse intègre maintenant cette transcendance qu’il ne peut concevoir (VOIR dans sa tête). Celle-ci inspire la crainte devant ce qui est inaccessible.

 

« Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu » (Ex 3, 6)

 

Le voile devant le visage est le symbole de cette séparation entre humain et transcendance comme le voile qui séparait le sanctuaire du Saint des Saints dans la « demeure » construite par Moïse pour abriter l’Arche d’Alliance :

 

« Tu fixeras le voile sous les agrafes et, là, derrière le voile, tu introduiras l'arche de la charte. Et le voile marquera pour vous la séparation entre le lieu saint et le lieu très saint. » (Ex 26,33, TOB)

 

On retrouve ce voile dans le temple de Jérusalem qui se déchira en deux à la mort de Jésus :

Mais, poussant un grand cri, Jésus expira. Et le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas. (Marc 15, 37-38, TOB)

 

Ce voile déchiré symbolise pour les premiers chrétiens l’accès à la plénitude de sens des Ecritures. L’humanité de Jésus crucifié permet d’accéder à une voie nouvelle :

« Nous avons ainsi, frères, pleine assurance d'accéder au sanctuaire par le sang de Jésus. Nous avons là une voie nouvelle et vivante, qu'il a inaugurée à travers le voile, c'est-à-dire par son humanité ». (He 10, 19-20 - TOB)

Peinture d’Anna Sedeiwy (Monastère de Bose)

Peinture d’Anna Sedeiwy (Monastère de Bose)

Il nous faut aussi nous déchausser, quitter les pantoufles confortables de nos certitudes, pour approcher la Transcendance, ce feu qui brûle au fond de nous. Il nous faut accepter le voile qui couvre les vérités ultimes, l’éternité de Dieu ne peut se concevoir, nous ne sommes encore qu’en chemin sur cette voie nouvelle et vivante, en humanité avec Jésus.

 

On pourrait parler d’une approche asymptotique de la Divinité.

La courbe de nos imaginations intuitives se rapproche indéfiniment de la Droite divine (« Siège à ma droite » ! - Ps 109, 1) mais sans jamais l’atteindre.

Plus on approche de l’Infini, plus on perçoit l’irréductibilité de l’interstice (le voile) entre celui-ci et notre humanité : voués nous-mêmes à l’Infini, nous ne croiserons l’Infini de Dieu qu’à notre mort devenant frères et sœurs à part entière du Christ ressuscité.

« A présent, nous ne voyons qu’une image confuse, pareille à celle d’un vieux miroir ; mais alors, nous verrons face à face. A présent, je ne connais qu’incomplètement ; mais alors, je connaîtrai Dieu complètement, comme lui-même connaît. » (1 Co 13, 12 – Trad. Bible en français courant)

 

« Ceux que le buisson ardent ... »

chant proposé pour la Toussaint, par le Monastère de Bose (Italie).

Coloro che il roveto ardente ha conquistato

son radunati attorno a te nel regno eterno

nella sete han cercato il tuo volto di luce

solo te han seguito, ora vivono in te …

Ceux que le buisson ardent a conquis sont rassemblés autour de vous dans le royaume éternel ; dans la soif, ils ont cherché votre visage de lumière que vous seul avez suivi, maintenant ils vivent en vous ... (Traduction automatique).

Pour écouter le chant et avoir toutes les paroles :

https://www.monasterodibose.it/fr/priere/prieres/7390-ceux-que-le-buisson-ardent

 

Moïse et le buisson ardent
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