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Jésus suivit le Souffle dans le désert pour y être tenté par le Rival. Ayant jeûné quarante jours et autant de nuits, il eut faim. Alors le séducteur s’avance et lui dit : Si tu es le* fils de Dieu, parle, transforme ces pierres en pains.

Jésus répond : Il est écrit : « Le pain n’est pas la seule nourriture de l’être humain. Toute parole qui vient de la bouche de Dieu l’est aussi. »

Evangile de Matthieu 4, 1-4 (Trad. Bible Bayard)

(En vignette : wadi qui descend du mont Shlomo en Israël)

Note : *Le texte grec n’utilise pas l’article. Ajouter un article (le fils= le fils unique) relève d’une lecture théologique non synchronique. Nous reviendrons plus tard sur la notion de « Fils de Dieu ».

La pratique du jeûne

Jusqu’à l’exil, le Yôm Kippour ou jour des Expiations, aux environs du l’équinoxe de septembre, était l’occasion du seul jeûne formellement imposé par la Loi. Il était lié à des rites de repentir et de purification. Après le retour d’exil, d’autres jeûnes furent institués qui marquaient les grands événements passés. Un jeûne de dévotion personnelle se développa aussi peu à peu conduisant, notamment à d’hypocrites surenchères condamnées par Jésus (Mt 6, 16-18).

Certaines premières communautés chrétiennes, dans le cadre d’un courant ascétique visant à mortifier le corps, ont encouragé aussi le jeûne en particulier chaque semaine le mercredi et le vendredi pour se distinguer des pharisiens qui jeûnaient le lundi et le jeudi. Les pères de l’Eglise, en particulier Saint Léon le Grand (5ème siècle), ont vu dans le jeûne une possibilité de s’associer aux souffrances du Christ pour la rémission de ses péchés ; mais pour ne pas être stérile, le jeûne doit être joint à la prière pour aboutir à la miséricorde et à la charité vis-à-vis du prochain à l’exemple même du Christ.

L’Eglise orthodoxe a gardé quatre grandes périodes de jeûne tandis que l’Eglise catholique, après le concile Vatican II n’impose plus comme jours obligatoires de jeûne que le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint.

Au sein du catholicisme, le jeûne connaît un nouvel engouement. Il inspire des milieux en recherche de symboles identitaires à l’instar des communautés musulmanes ou d’autres milieux plus ouverts sur un jeûne de protestation ou prônant le partage.

Désert du Néguev

Désert du Néguev

Le désert et le jeûne

Ce passage de Matthieu nous montre Jésus conduit au désert par l’Esprit. Il n’y va pas à priori pour jeûner mais pour y être tenté par le Rival, Satan. Marc donne très peu de précisions sur le séjour de Jésus au désert qui apparaît chez les évangélistes, comme dans la grande tradition hébraïque, comme le lieu de la mise à l’épreuve.

Le chiffre quarante évoque les quarante jours passés par Moïse sur la montagne lors de l’institution du décalogue (Ex 34, 28) : temps d’initiation. Il rappelle aussi les quarante années passées par Israël dans le désert : punition de Yhwh pour ses fautes et les quarante jours de marche du prophète Elie jusqu’à l’Horeb où le Seigneur se révélera à lui dans un souffle ténu. Auparavant un ange avait laissé à son chevet galette et cruche d’eau pour prendre des forces avant le départ. (1 Rois 19, 4-13)

Marc n’évoque pas de jeûne de Jésus, Luc dit qu’il ne mangea rien en ces jours-là (Luc 4, 2), Matthieu emploie le terme jeûne en référence aux pratiques d’alors. L’absence de nourriture ou le jeûne apparaissent plus comme la cause secondaire de sa présence dans le désert et non la raison d’y aller. Ce qui est certain c’est que Jésus eut faim au bout des quarante jours et que c’est alors qu’il fut tenté.

Juan de Flandes, la tentation du Christ, 1496-1499

Juan de Flandes, la tentation du Christ, 1496-1499

Transforme ces pierres en pain

Satan, le diviseur, le séducteur est la personnification de cet autre à l’intérieur de nous qui prétend prendre le dessus sur celui que nous sommes profondément, un fils dans lequel le Père se reconnaît (« Si tu es fils de Dieu … »).

Pour tromper notre faim, grande est la tentation de transformer tout ce qui nous tombe sous la main en nourriture, même ce qui en paraît le plus éloigné comme des pierres. Nous avons de telles frustrations de toutes sortes que nous avalons n’importe quoi et … n’importe qui. Nous savons que la boulimie est le plus souvent la manifestation d’une angoisse qui ne peut être surmontée. Cette boulimie ne se porte pas seulement sur les aliments, mais aussi les richesses, le pouvoir. Il nous faut bien souvent de tels pauvres pagnes pour tenter d’oublier la honte de la nudité de notre angoisse congénitale.

Manger comme nos ancêtres le fruit de l’arbre interdit, s’emparer de cette partie « Autre » de nous-mêmes qui nous semble interdite et que nous voulons avidement connaître, par toutes sortes de subterfuges comme transformer des pierres, nous nous lançons dans cette lutte.

Jacob resta seul.

Quelqu’un lutta avec lui jusqu’à la pointe de l’aurore. Comprit qu’il ne serait pas le plus fort. Et le toucha au creux de la hanche. Dans la lutte, la hanche de Jacob se démit.

- Laisse-moi partir, dit l’homme, l’aurore s’est levée.

- Je ne te laisserai partir que si tu me bénis.

- Quel est ton nom ? demanda-t-il.

- Jacob.

- Ton nom ne sera plus Jacob mais Israël. Tu as affronté des dieux et des hommes, et tu as été le plus fort.

- Oh donne-moi ton nom ! lui demanda Jacob.

- Mais pourquoi demander mon nom ?

Et ici, il le bénit.

Jacob appela l’endroit Peniel –Faces de Dieu :

J’ai vu Dieu face à face, et je suis sauvé.

Genèse 32, 25-33 (Trad. Bible Bayard)

Lutte de Jacob avec l’ange, Chagall (1960-66)

Lutte de Jacob avec l’ange, Chagall (1960-66)

L’Autre

Profondeurs de la nuit. Jacob, seul, lutte contre un Autre ; un long et dur combat qui ne cesse qu’à l’aurore. Jacob semble le plus fort, alors l’Autre le blesse au creux de sa hanche qui se démet laissant une cicatrice, comme la circoncision, signe d’une alliance. Jacob veut faire la paix avant la séparation, souhaite être béni par l’Autre qui lui demande son nom. L’Autre serait-il un envoyé de Dieu, ou Dieu lui-même ? De ce combat Jacob est devenu un autre homme, Israël –« Dieu se montre fort » mais il ne connaîtra pas le nom de l’Autre avec lequel il a combattu.

Nous ne pouvons identifier les forces avec lesquelles nous combattons dans notre nuit : Dieu, un ange, le diable ? Ne cherchons pas à dévorer le fruit de l’arbre de la connaissance. Nous restons marqués dans notre corps et notre esprit par ce combat acharné ; l’Autre nous donne un nom de vainqueur, le nom de sa propre force, au plus intime de nous. Nous incluons cet Autre. Nous sommes aussi cet Autre.

Comme Adam nous pouvons donner un nom aux éléments de la création ; ici le nom de « Péniel » où nous reconnaissons l’inconnaissable. C’est dans nos combats avec l’Autre que nous nous savons appelés et marqués pour une alliance éternelle.

Sur la terre sèche

Ils ont éprouvé Dieu dans leur cœur

en demandant de la nourriture pour eux-mêmes

Ils parlent contre Dieu

Ils disent

est-ce que Dieu peut dresser une table dans le désert ?

Et voilà il frappe le rocher

Et les eaux coulent

les torrents débordent

Et du pain est-ce qu’il peut en donner ?

Et de la viande

est-ce qu’il peut en laisser à son peuple ?

Yhwh a tout entendu et s’irrite

Un feu s’allume contre Jacob

la colère monte contre Israël

Ils ne sont as accordés à Dieu

ils n’ont pas confiance dans son secours

Alors il commande aux nuages tout en haut

il ouvre les portes du ciel

Il fait pleuvoir la manne sur eux

pour qu’ils mangent

Il leur donne le grain du ciel

Et l’homme mange le pain des grands

il leur envoie des vivres pour qu’il mangent à leur faim.

Psaume 78 (Hb) v. 17-25 (Trad. Bible Bayard)

Désert du Néguev

Désert du Néguev

La nourriture du désert

C’est dans la solitude du désert, de la nuit, que nous luttons avec un adversaire dont on ne sait pas toujours s’il est Dieu ou diable, s’il est ouverture réelle à l’Autre, l’innommable, ou renfermement sur nos obsessions nourricières.

Yhwh entend les récriminations dans le désert des enfants d’Israêl, descendants de Jacob, qui veulent boire et manger mais « ils ne sont pas accordés à Dieu, ils ne font pas confiance dans son secours ».

Dieu nous attend aussi dans le désert du « lâcher-prise » pour « être accordé » à Lui. A ce moment, Il envoie le « grain du ciel » et l’homme peut manger « le pain des grands ».

Quel signe peux-tu nous donner, demandent-ils, tel qu’en le voyant nous puissions croire en toi ? Toi, quel est ton travail ? Nos pères ont mangé la manne dans le désert selon ce qui est écrit : « Il leur a donné à manger un pain venu du ciel. »

Eh bien oui, répond Jésus, je vous dis que le pain du ciel, Moïse ne vous l’a pas donné, le vrai pain venu du ciel, c’est mon père qui le donne. Celui qui vient du ciel donner la vie au monde, voilà le pain de Dieu.

Donne-nous toujours de ce pain-là, Seigneur, disent-ils alors.

Je suis le pain qui fait vivre, dit Jésus. Qui me rejoint n’aura plus jamais faim, qui s’en remet à moi n’aura plus jamais soif, jamais. Je vous ‘ai dit et je suis là devant vous mais vous ne faites pas confiance.

Evangile de Jean 6, 30-36 (Trad. Bible Bayard)

Les disciples dont nous prétendons être aussi ne font pas confiance à Jésus ; comme les enfants d’Israël, « ils ne sont pas accordés à Dieu ». Le vrai pain, c’est la Parole faite chair (Jean 1, 14).

Jésus répond : il est écrit : «Le pain n’est pas la seule nourriture de l’être humain. Toute parole qui vient de la bouche de Dieu l’est aussi. »

Matthieu 4, 4

En fait les disciples ne discernent pas la Parole à travers les signes, ils ne voient que le pain qui vient miraculeusement apaiser leur faim corporelle, provoquant l’exaspération de Jésus et ils en redemandent peu après la seconde multiplication des pains, se retrouvant en compagnie de Jésus sur une barque et avec un seul pain :

Mais eux n’avaient la tête qu’au problème des pains. Jésus s’en aperçut :

- Pourquoi vous tracasser au sujet de ces pains ? Vous n’avez donc pas encore d’intelligence ? Vous ne comprenez pas ? Votre cœur est endurci ? « Vous avez des yeux et ne voyez pas ? Des oreilles et n’entendez pas ? » Vous ne vous rappelez donc pas, quand j’ai rompu cinq pains pour cinq mille personnes ? Combien de cabas pleins de morceaux avez-vous emportés ?

- Douze, dirent-ils.

- Et quand j’en ai rompu pour quatre mille ? Combien de corbeilles ?

- Sept.

- Et vous ne comprenez toujours pas ?

Marc 8, 16-21 (Trad. Bible Bayard)

En fait Jésus insiste ici sur le partage : il a rendu grâces et rompu les pains à lui confiés par les quelques personnes qui en avaient. Là où les apôtres ne voient que des ventres rassasiés, Jésus voit aussi le signe du partage. Et les évangélistes font le parallèle saisissant avec le partage eucharistique lors du dernier repas (rendre grâces et rompre).

Il en était de même pour la manne dans le désert qui était partagée entre chacun « selon ce qu’il peut manger ».

Nicolas Poussin : les Israélites recueillant la manne dans le désert (1637-39)

Nicolas Poussin : les Israélites recueillant la manne dans le désert (1637-39)

Man hou

Et au matin, c’est une couche de rosée tout autour du camp. La couche de rosée monte, et voici : sur la surface du désert, du fin, de l’écailleux, fin comme du givre sur la terre. Les fils d’Israël voient, et chaque homme dit à son frère : Qu’est-ce que c’est ? Parce qu’ils ne savent pas ce que c’est. Moïse leur dit : C’est le pain que Yhwh vous donne pour nourriture.

Exode 16, 13-15 (Trad. Bible Bayard)

Man hou qui a donné le mot manne signifie littéralement « qu’est-ce-que c’est ? » traduisant l’interrogation des Fils d’Israël. A leurs récriminations, Dieu répond finalement par l’envoi d’une nourriture d’en haut qui provoque leur interrogation. Cette nourriture partagée était plus abondante le sixième jour pour pouvoir en mettre en réserve en vue du shabbat le lendemain, jour chômé consacré à Yhwh, C’était aussi pour Dieu le moyen de leur rappeler cette prescription importante de ses commandements. Le septième jour Dieu se retire de sa création pour que l’homme la féconde à son tour.

Dieu aurait pu envisager un jeûne ; il a préféré encourager la bonne gestion de la manne et le désert de l’inoccupation du shabbat pour inciter les hommes à creuser leur rapport à la création et au Créateur… comme la multiplication des pains et les corbeilles restantes auraient dû conduire les disciples à se poser les vraies questions (voir ci-dessus Marc 8, 21).

Quels prodiges n’as-tu pas faits, Seigneur,

Dans tes desseins sur nous, tu es incomparable.

Je voudrais les publier, en faire le récit ;

mais il est trop tard pour les énumérer.

Tu ne tiens pas aux sacrifices, aux oblations ;

Mais tu m’as creusé les oreilles pour t’écouter

Les expiations, les holocaustes, tu n’entends pas les exiger ;

je viens alors en disant : « Me voici ! »

Dans le livre, il m’est prescrit de faire ta volonté ;

ô mon Dieu, je m’attache à ta loi du plus profond de mon être.

Psaume 39 (hb 40) 6-9 (Trad. Abbaye de Ligugé)

Nous sommes appelés à rencontrer l’Autre non dans des gavages orgiaques mais dans le dénuement d’un combat, où nous ressentons toutes nos limites, nos frustrations. Dieu laisse en nous un creux, un désert, un shabbat, une cicatrice de blessure (cf. ci-dessus le combat de Jacob, Genèse 32, 25-33), des oreilles ; c’est dans le creux des interrogations que l’on peut écouter Dieu nous parler.

Il nous laisse comme viatiques la splendeur des six jours de création, une galette et une cruche d’eau comme à Elie (cf. ci-dessus), la manne, quelques corbeilles de pain, et surtout sa Parole, vrai pain descendu du ciel (Jean 6, 27).

Pourquoi n’as-tu pas vu que nous jeûnions ?

nous nous mortifions et tu n’en sais rien ?

- mais vous jeûnez comme il vous plaît

en maltraitant vos ouvriers

vous jeûnez dans l’esclandre et la brutalité

pour assener des coups cruels

vous ne jeûnez plus comme au jour

où l’on porte sa voix aux nues -

-est-ce un tel jeûne que je veux

le jour où l’homme se mortifie ?

courber le tête comme un jonc

coucher dans un sac, sur la cendre

tu appelles ça un jeûne ?

un jour consacré à Yhwh ?

Quel est le jeûne que je veux ?

c’est briser les chaînes du crime

délier le harnais et le joug

renvoyer libre l’opprimé

et déposer le joug

partager ton pain avec l’affamé

ramener chez toi le pauvre des rues

couvrir celui que tu vois nu

– c’est ta propre chair que tu ne fuis plus.

Isaïe 58, 3-7 (Trad. Bible Bayard)

Comme au temps de Moïse (voir plus haut) Isaïe n’entend pas faire du jeûne une caractéristique du Shabbat, « jour consacré à Yhwh » ; la vraie rupture (« briser les chaînes du crime, délier le harnais et le joug ») ne réside pas dans la mortification de son corps que l’on chercherait à fuir, mais dans une conversion vers le prochain qui souffre : « C’est ta propre chair que tu ne fuis plus ».

Comme le soulignera plus tard Jésus (Matthieu 6, 16-18), finalement Dieu ne semble pas apprécier inconditionnellement le jeûne, tout au moins celui qui s’accompagne de mortifications parfois sadomasochistes et hypocrites. Ces dérives ont toujours été dénoncées et la charité a été considérée comme devant accompagner le jeûne et parfois même comme plus importante. Mais la charité, pour ne pas devenir à son tour hypocrite, ne doit-elle pas s’accompagner d’un certain jeûne qu’il reste alors à définir?

Quel jeûne, quelle charité ?

Il (Jésus) a levé les yeux et a vu des riches qui portaient leur don dans la salle du trésor. Il a vu aussi une veuve pauvre qui déposait deux petites pièces et il a dit : Je vous l’affirme cette pauvre veuve a donné plus que tous les autres : eux ont donné leur superflu mais elle a prélevé de sa pauvreté tout ce qui la fait vivre.

Certains ont remarqué que le Temple était orné de belles pierres, de décorations. Il a dit : Le jour viendra où ce que vous avez sous les yeux sera détruit, il ne restera pas pierre sur pierre.

Luc 21, 1-6 (Trad. Bible Bayard)

Ruines de l’ancienne église romane de Fillols (Pyrénées Orientales)

Ruines de l’ancienne église romane de Fillols (Pyrénées Orientales)

Pour Jésus, les richesses étaient un obstacle infranchissable pour entrer dans le Royaume :

« il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ! »

(Luc 18, 25)

La vraie richesse pour les enfants du Royaume n’est pas de donner son superflu, c’est de donner sur ce qu’on estime être son nécessaire. Les temples, les sociétés, que nous construisons, décorés de nos plus belles valeurs même sacrées, sont voués à la destruction. Seule demeurera dans l’éternité le don de ce qu’on estime son nécessaire, pour Jésus sa vie même pour annoncer le Royaume, vie jaillissant transformée au matin de la Résurrection. C’est bien ce que nous sommes appelés à célébrer et à vivre dans l’eucharistie.

Eucharistie trop souvent dévoyée en sacrifice vétérotestamentaire ou en simple dévotion alors qu’elle devrait signifier pour chacun le don de son nécessaire comme pour Jésus… Ne serait-ce pas là le vrai jeûne ? Se séparer de ce qui me paraît être mon nécessaire, plus concrètement vivre dans la sobriété, pour laisser un peu de place et d’espérance dans la Création à l’autre qui meurt de toutes sortes de faims ?

Le corps n’est plus à mâter, à mortifier dans des sacrifices vétérotestamentaires expiatoires ou dans le cadre de régimes alimentaires ou spirituels, il est notre participation active à l’écologie même de la Création qui relève de la générosité infinie par la maîtrise de nos frustrations.

La nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

L’homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent avec des regards familiers.

Baudelaire, « Les Fleurs du Mal », « Correspondances »

Roquefort les Cascades en Ariège

Roquefort les Cascades en Ariège

Voilà bien le nouveau temple qui meurt et renaît indéfiniment, vivante création en perpétuel renouvellement, où chaque homme apporte sa pierre,

une pierre non destinée à être transformée en mirages de toutes ses frustrations, rassurants, mais mortifères pour lui-même et la création

une pierre grosse comme deux petites pièces, celle du don entier de sa personne.

Dans cette création continuelle où nous sommes invités à prendre place « écologiquement », le Père ménage des jours de shabbat, temps de repos et de contemplation, où il invite ses enfants à partager avec lui la manne, Pain du ciel, dans une joyeuse conversation pleine de sa tendresse et de nos interrogations filiales. Man hou … qu’est-ce que c’est ?

« Heureux ceux qui sont appelés au repas de noce de l’agneau. »

Apocalypse de Jean 19 9

L’église de Péreille (Ariège) dans son cadre de verdure

L’église de Péreille (Ariège) dans son cadre de verdure

Tout au long du Carême 2015, le journal « La Croix a décidé de faire de l’écologie le fil directeur de ses conférences de Carême. Dans le numéro du 21-22 mars 2015, nous trouvons : « En harmonie avec l’univers » article de Dominique Greiner et « Aux côtés du Christ, en route vers une sobriété joyeuse », article de François-Xavier Huard, dont nous extrayons le passage suivant :

« Le choix d’une vie sobre nous rapproche de ce qui fait la vraie saveur de la vie, et éloigne de notre quotidien les artifices qui le maquillent d’un vernis de bonheur. C’est un choix humain au plein sens du terme, car la sobriété passe par le lien social, l’amitié, la proximité des gens, et suppose enfin une conscience forte des destinées communes de notre humanité : c’est pour nos enfants, et les enfants de nos enfants, trésors de vie d’une planète qui n’est pas destinée à mourir dans vingt ans, que nous choisissons la simplicité volontaire. Enfin, en nous dépouillant un tout petit peu, nous faisons de la place à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est le Christ qui vit en nous à mesure que nous lui offrons une parcelle de nous-mêmes. Cessons d’adorer le veau d’or et recentrons nos vies. »

François-Xavier Huard est cofondateur d’un mouvement en faveur d’une écologie chrétienne

Nous lirons évidemment avec attention la prochaine encyclique du pape François qui traitera de l’écologie ; ses prédécesseurs ont d’ailleurs déjà abordé ce thème qui sera l’enjeu capital non seulement biologique, mais aussi économique, sociétal et spirituel des prochaines décennies.

Lien vers le poème « Correspondances » de Baudelaire dont le premier quatrain a été cité plus haut : http://www.etudes-litteraires.com/baudelaire-correspondances.php

A propos du shabbat que j’ai évoqué à plusieurs reprises, je me suis inspiré de réflexions entendues lors d’une émission de « Talmudiques » sur « France-Culure » animée par Marc-Alain Ouaknin le dimanche matin. Lien vers cette émission du 1er février 2015 avec le rabbin Yann Boissière intitulée « Un shabbat nommé Désir » :

Un chabbat nommé Désir (franceculture.fr)

Au fait, qu’est-ce que la manne ?

D’après « Au jardin des plantes de la Bible », de Jean Paquereau (Ed. du Centre national de la propriété forestière, Institut de développement forestier), il s’agirait de l’exsudat du Tamarix mannifera, plante poussant dans les régions arides et hôte d’une cochenille.

« Elle se multiplie rapidement sur le tamaris, vit aux dépens de la sève de cet arbre et pond ses œufs dans son écorce. Il se produit une miellée blanc jaunâtre qui suinte sur les cailloux au soleil et ceci pendant une dizaine de semaines. » (p. 298)

Tamarix mannifera

Tamarix mannifera

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