Psaume 1 - Les deux voies
1 Heureux l’homme
qui ne suit pas les maximes des impies,
qui ne prend pas le chemin des pécheurs, *
qui ne va pas se joindre au persiflage des malins.
2 Il se complaît dans la Loi du Seigneur,
jour et nuit, il rumine sa Parole.
3 Il sera comme un arbre planté près d’un cours d’eau +
qui donne du fruit en son temps *
et dont les feuilles ne sèchent pas.
Tout ce qu’il fait réussira. +
4 Rien de tel pour les impies *
pareils aux brins de paille emportés par le vent.
5 Ils ne pourront tenir leur place au jugement,
ni les pécheurs à l’assemblée des justes.
6 Car Dieu regarde avec faveur le chemin des justes,
mais le chemin des infidèles est sans issue.
Traduction "Le Psautier de Ligugé" (Ed. Saint-Léger)
Compréhension
1 Heureux l’homme qui ne suit pas les maximes des impies, qui ne prend pas le chemin des pécheurs, qui ne va pas se joindre au persiflage des malins.
L’auteur se place en dehors, en témoin. En termes musicaux on pourrait parler d’un prélude calme de mise en condition : la thématique est annoncée avant ses développements ultérieurs. Derrière ces constatations très posées se cache un véritable combat qui appartient à l’Histoire des Hébreux, mais aussi de chaque fidèle et à travers tous les temps.
Ce psaume est souvent appelé celui des deux voies : celle du juste qui le mène au bonheur terrestre maintenant (3) et plus tard, au jugement (5), à la béatitude divine (6) et la voie des impies – pécheurs – malins - infidèles sans issue (6). Le persiflage est frère du cynisme : tout est soumis au doute systématique, il n’existe pas alors de voie droite. « Heureux » est la marque d’une béatitude, de l’approbation d’une conduite sage, telle qu’on pourra en retrouver dans les évangiles. Le terme grec « makarioï » est traduit par Vesco et Bible Bayard par « Bonheur(s) », et par Chouraqui, selon son habitude, par « en marche ». Pour celui-ci le terme hébreu « ashréi » a pour sens fondamental une démarche de bonheur sur une route sans obstacle que le terme grec « makarioï » ne rend pas. « Chemin de bonheur » serait-il une bonne traduction, en tous les cas compatible avec les béatitudes évangéliques et même peut-être plus adaptée : « Chemin de bonheur pour les affligés, car ils seront consolés …. » (Mt 5, 3-11) ? Il est difficile d’admettre « heureux (maintenant !) les affligés ! Simple suggestion de quelqu’un qui ne pratique pas l’hébreu ! On se rapportera aussi à notre premier article « Mettre nos pas dans les siens » (22/11/2014) à propos de la thématique du chemin.
2 Il se complaît dans la Loi du Seigneur, jour et nuit, il rumine sa Parole.
La Loi c’est bien sûr la Torah. Après la description en négatif du juste, voilà celle en positif. « Rumine » indique une méditation à la mode orientale, murmure qui ne craint pas la répétitivité. Les paroles constamment répétées, probablement cantillées, ruminées, sont réalité vivante de la Parole divine. Le juste s’endort et se réveille absorbé dans la Parole, dans la présence divine et c’est déjà son bonheur (se complaît). Le ps. 118 est tout entier une hymne au bonheur de méditer et observer la Loi.
3 Il sera comme un arbre planté près d’un cours d’eau qui donne du fruit en son temps et dont les feuilles ne sèchent pas.
L’arbre est le symbole de ce qui unit la terre et le ciel. L’homme juste puise l’eau symbole de vie et produit du fruit en son temps ; il rejoint ainsi un cycle cosmique de création renouvelée (en son temps). La ramure, son vêtement (= sa personne selon la conception biblique), appartient alors à l’éternité (les feuilles ne sèchent pas)
Tout ce qu’il fait réussira. 4 Rien de tel pour les impies pareils aux brins de paille emportés par le vent.
La réussite de l’homme juste est totale et pour maintenant (réussira). L’homme juste est singulier pour Dieu ; les impies n’existent pas comme entités individuelles (cf. les esprits impurs : « mon nom est légion car nous sommes beaucoup », Mc 5, 9), ils sont balayés telle de la paille par le vent, instabilité qui s’oppose à celle de l’arbre.
5 Ils ne pourront tenir leur place au jugement, ni les pécheurs à l’assemblée des justes.
Les non-justes avaient interdiction de se lever, c'est-à-dire de délibérer dans les affaires publiques et les procès d’Israël. Le juste n’est plus seul, il appartient désormais à l’assemblée des justes qui préfigure celle des fils de Dieu au jugement dernier tel que le livre de la Sagesse, dont ce psaume a connu l’influence, l’évoque par exemple en Sg 4, 20 ; 5, 1-5 (voir Echos)
6 Car Dieu regarde avec faveur le chemin des justes, mais le chemin des infidèles est sans issue.
Retour au thème initial du chemin. La première lettre du psaume, « aleph », est la première de l’alphabet hébreu, celle qui débute le dernier mot « taw » la dernière ; le psaume pratique une inclusion qui le synthétise en quelque sorte mais aussi, au-delà, le livre des psaumes. « Sans issue » signifie que le chemin des infidèles conduit à la mort, contrairement à celui des justes qui mène au bonheur maintenant (3) et au jour du Jugement.
Méditation en forme d'échos
1 Heureux l’homme qui ne suit pas les maximes des impies, qui ne prend pas le chemin des pécheurs, qui ne va pas se joindre au persiflage des malins.
Heureux les hommes intègres dans leurs voies qui marchent suivant la loi du Seigneur !
Heureux ceux qui gardent ses exigences, ils le cherchent de tout cœur ! Jamais ils ne commettent d’injustice, ils marchent dans ses voies. (Ps 118, 1-3)
Seigneur, délivre-moi des lèvres menteuses, de la langue perfide ! (Ps 119, 2)
2 Il se complaît dans la Loi du Seigneur, jour et nuit, il rumine sa Parole.
Ce livre de la Loi ne quittera pas tes lèvres ; tu le murmureras jour et nuit, afin que tu veilles à agir selon tout ce qui s’y trouve écrit : alors tu feras prospérer tes entreprises, alors tu réussiras.(Jos 1, 8)
Si l’on ne se couche pas dans la Parole, la nuit ne se tient pas tranquille ; si l’on ne se lève pas dans la Parole, le jour ne tient pas debout. (François Cassingéna-Trévedy, Etincelles II, p. 139, cf. Bibliographie)
Mais pour toi les ténèbres n’ont rien de ténébreux et la nuit pas moins de clarté que le jour. (Ps 138, 11-12)
3 Il sera comme un arbre planté près d’un cours d’eau qui donne du fruit en son temps et dont les feuilles ne sèchent pas.
Le juste croîtra comme un palmier ; il grandira comme un cèdre au Liban ; les justes plantés dans le temple du Seigneur grandiront dans les parvis de notre Dieu ; ils porteront du fruit jusque dans la vieillesse ; ils resteront verts et vigoureux (Ps 91, 13-15)
Menez donc votre vie dans le Christ Jésus, le Seigneur, tel que vous l’avez reçu. Soyez enracinés, édifiés en lui, restez fermes dans la foi, comme on vous l’a enseigné ; soyez débordants d’action de grâce. (Col 2, 6-7)
Tout ce qu’il fait réussira. 4 Rien de tel pour les impies pareils aux brins de paille emportés par le vent.
Ne t’indigne pas à la vue des méchants, n’envie pas les gens qui font le mal ! Comme l’herbe se fane, ils vont bientôt périr, comme se flétrit la verdure des prés. (Ps 36, 2).
Arrière, qu’ils reculent, confondus, ceux qui cherchent ma perte ! Qu’ils soient comme poussière au vent, chassés par l’ange du Seigneur ! (Ps 34, 4-5)
5 Ils ne pourront tenir leur place au jugement, ni les pécheurs à l’assemblée des justes.
Les impies viendront, tout tremblants, quand on fera le compte de leurs péchés, et leurs crimes se dresseront contre eux pour les accuser. Alors le juste se tiendra debout, plein d’assurance, en présence de ceux qui l’ont opprimé, de ceux qui méprisaient sa peine. À sa vue, ils seront pris d’une peur épouvantable, sidérés de le voir sauvé contre toute attente ; saisis par le remords, ils se diront entre eux, la gorge serrée, incapables de reprendre souffle : « Le voilà, celui que nous tournions jadis en ridicule ! Nous en faisions la cible de nos sarcasmes, fous que nous étions ! Nous trouvions absurde sa manière de vivre et infâme sa mort ! Pourquoi est-il compté parmi les fils de Dieu ? Pourquoi partage-t-il le sort des saints ? (Sg 4, 20 et 5, 1-5)
6 Car Dieu regarde avec faveur le chemin des justes, mais le chemin des infidèles est sans issue.
La route des justes est lumière d’aurore, sa clarté s’accroît jusqu’au grand jour. Le chemin des méchants, c’est la ténèbre : ils trébuchent sans savoir sur quoi (Pr 4, 18-19)
Qui donc est assez sage pour comprendre ces choses, assez pénétrant pour les saisir ? Oui, les chemins du Seigneur sont droits : les justes y avancent, mais les pécheurs y trébuchent. (Os 14, 10)
Méditation grégorienne
Qui meditabitur (Communion du jour des Cendres)
Qui rumine la Parole du Seigneur jour et nuit donnera du fruit en son temps (d’après Ps 1, 2 et 3)
Justus ut palma (Graduel du Commun des Saints)
Le juste croîtra comme un palmier ; il grandira comme un cèdre au Liban dans les parvis de notre Dieu pour proclamer dès le matin ton amour, au long des nuits ta fidélité (d’après Ps 91, 13-14, 3)
Autres traductions
Par Paul Claudel (1868 – 1955)
Paul Claudel a fait des psaumes sa nourriture. Il ne s’en lassait pas. Cette lecture qui date des premiers jours de sa conversion, si même elle ne l’a pas précédée, n’a cessé d’accompagner, de fortifier et d’exalter son inspiration de poète, de dramaturge et de « glossateur ébloui … Il n’a cherché qu’à répondre les psaumes et à les répondre à sa manière sans craindre, lorsqu’il en éprouvait le besoin, d’en intervertir les versets ou d’en ajouter qui fussent de son propre cru, si l’inspiration dont il était saisi à cette lecture n’avait pas épuisé son effet. Claudel ne traduit pas les paumes. Il les reprie, les redanse et les retricote dans une sorte de conversation à bout portant avec Dieu où il s’agit pour lui, comme pour David et saint Jérôme avant lui, d’arriver, avant toute chose, au cœur même de Celui dont on veut se faire entendre. »
(Extrait de l’avant-propos de Pierre Claudel ; « Paul Claudel. Psaumes, Traductions 1918-1953 » - Ed. Gallimard, 2008)
1er Répons
1 Le camarade empesté, la compagnie des galeux, le livre qui pue la crasse,
2 Excusez-moi si je préfère la suggestion salubre et cette sainte confirmation la nuit des propositions de la journée.
3 Qu’il est vert, tout ranimé par les averses d’avril, cet arbre en plein feu de la composition qui prêche l’herbe à la prairie, et de tous côtés il n’y a rien d’assez frais et d’assez rose et d’assez doré pour prophétiser à ses fruits le succès !
4 Tout le reste, fi ! poussière et poudre aux yeux ! on se mouche et c’est fini.
2ème Répons
1 heureux l’homme qui ne s’est pas fourvoyé avec les libres-penseurs, et qui ne s’est pas longtemps arrangé du péché, et qui ne se carre pas dans une chaire de pestilence.
2 Mais c’est dans la loi du bon Dieu qu’il a mis son intérêt, le jour et la nuit ne sont pas de trop pour y penser.
3 Un arbre, c’est lui, qui est planté le long de l’eau courante et qui donne fruit en sa saison, le sien.
Sa feuille n’a pas appris à tomber, et tout ce qu’il entreprend prospère.
4 Mais c’est pour ces gens qui ne croient à rien, c’est de la poussière dont le vent fait ce qu’il veut!
5 Quelle contenance feront-ils devant le Juge ? où sera leur place juste entre les justes ?
6 Le bon Dieu sait où le chemin nous mène : mais le vestige au hasard des impies s’efface derrière eux.
Paul Claudel. Psaumes, Traductions 1918-1953 (Ed. Gallimard, 2008)