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La Création du monde

Dans la Bible de Souvigny la Création du monde est illustrée par huit images qui suivent le texte biblique de la séparation de la lumière et des ténèbres jusqu’à la manducation du fruit défendu par Adam et Eve. (Gn 1,1 à 3,7). Les miniatures du récit de la Création se lisent ligne par ligne comme un écrit.

 

La Bible de Souvigny

 

Le manuscrit date du XII° siècle. Il a appartenu au Prieuré clunisien de Souvigny (Allier). Cette bible a quitté ce prieuré lors des confiscations révolutionnaires. Devenue propriété de l’Etat, classée monument historique en 1927, elle est conservée à la Médiathèque de Moulins communauté (Allier).

C’est un manuscrit sur parchemin de grande taille (56 x 39 cm), qui contient sur près de 400 feuillets le texte latin de l’Ancien et du Nouveau Testament.

 

Véritable joyau de l’enluminure médiévale, elle date du dernier quart du 12ème siècle et son état de conservation est remarquable. Sa composition a nécessité la peau de 200 moutons et le travail de deux copistes et deux enlumineurs, pendant au moins un an et demi.

 

Pour avoir des renseignements sur cette Bible absolument remarquable :

http://mediatheques.agglo-moulins.fr/cms/articleview/id/2206#004v

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bible_de_Souvigny#:~:text=Bible%20de%20Souvigny.%20La%20Bible%20de%20Souvigny%20est,et%20elle%20est%20r%C3%A9put%C3%A9e%20pour%20ses%20enluminures%20.

 

1ère image

1ère image

1ère image (Gn 1, 1-5)

« 01 AU COMMENCEMENT, Dieu créa le ciel et la terre.

02 La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux.

03 Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut.

04 Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres.

05 Dieu appela la lumière « jour », il appela les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour ».

 

Le Créateur représenté en gloire (pantocrator) apparaît dans le bas d’une sorte de mandorle. Dans sa main droite il tient la figure, sous forme de portrait humain, du jour (couleur solaire rouge) et dans la gauche celle de la nuit (couleur lunaire blême sur fond bleu foncé).

L’Esprit, souffle créateur de Dieu, plane sur les eaux sous la forme traditionnelle d’une colombe. Les eaux (couleur bleue) et la terre (couleur brune) sont encore mêlées.

2ème image

2ème image

2ème image (Gn 1, 6-8)

« 06 Et Dieu dit : « Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux, et qu’il sépare les eaux. »

07 Dieu fit le firmament, il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament et les eaux qui sont au-dessus. Et ce fut ainsi.

08 Dieu appela le firmament « ciel ». Il y eut un soir, il y eut un matin : deuxième jour ».

 

Le Créateur apparaît cette fois-ci dans une mandorle limitée en bas par une sorte d’arc-en-ciel inversé qui sépare les eaux au-dessus du firmament de celles au-dessous. L’action divine créatrice est soulignée par les mains qui tiennent l’arc-en-ciel, signe de son alliance :

« Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à jamais :

Je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre ». (Gn 9, 12-13)

3ème image

3ème image

3ème image (Gn 1, 9-13)

« 9 Et Dieu dit : « Les eaux qui sont au-dessous du ciel, qu’elles se rassemblent en un seul lieu, et que paraisse la terre ferme. » Et ce fut ainsi.

10 Dieu appela la terre ferme « terre », et il appela la masse des eaux « mer ». Et Dieu vit que cela était bon.

11 Dieu dit : « Que la terre produise l’herbe, la plante qui porte sa semence, et que, sur la terre, l’arbre à fruit donne, selon son espèce, le fruit qui porte sa semence. » Et ce fut ainsi.

12 La terre produisit l’herbe, la plante qui porte sa semence, selon son espèce, et l’arbre qui donne, selon son espèce, le fruit qui porte sa semence. Et Dieu vit que cela était bon.

13 Il y eut un soir, il y eut un matin : troisième jour ».

 

Le bas de la mandorle fait penser à un motif en feuille de chêne. Elle contient le même motif, en plus petit, que celui figurant en-dessous où apparaît la terre, de couleur verte, bien séparée des eaux. Contrairement à celles d’en haut, les tiges des plantes d’en bas ont des sommités feuillues, fleuries ou présentant des graines, signes de fécondité.

« Dieu dit encore : « Je vous donne toute plante qui porte sa semence sur toute la surface de la terre, et tout arbre dont le fruit porte sa semence : telle sera votre nourriture ». (Gn 1,29)

 

Les eaux d’en bas sont fécondées par les eaux d’en haut :

« La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ». (Is 55, 10)

4ème image

4ème image

4ème image (Gn 1, 14-19)

« 14 Et Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel, pour séparer le jour de la nuit ; qu’ils servent de signes pour marquer les fêtes, les jours et les années ;

15 et qu’ils soient, au firmament du ciel, des luminaires pour éclairer la terre. » Et ce fut ainsi.

16 Dieu fit les deux grands luminaires : le plus grand pour commander au jour, le plus petit pour commander à la nuit ; il fit aussi les étoiles.

17 Dieu les plaça au firmament du ciel pour éclairer la terre,

18 pour commander au jour et à la nuit, pour séparer la lumière des ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon.

19 Il y eut un soir, il y eut un matin : quatrième jour ».

 

La mandorle est ici constituée d’un cordon d’eau qui unit le ciel et la terre qu’on voit encore en couleur verte sous un quadruple arc-en-ciel symbolisant l’illumination de la voûte céleste. La séparation entre les ténèbres et la lumière se traduit maintenant en alternance du jour et la nuit : comme dans la première image, nous retrouvons le Créateur tenant la figure, sous forme de portrait humain, dans sa main droite, du jour (couleur solaire rouge) et dans la gauche, celle de la nuit (couleur lunaire blême).

5ème image

5ème image

5ème image (Gn 1, 20-23)

« 20 Et Dieu dit : « Que les eaux foisonnent d’une profusion d’êtres vivants, et que les oiseaux volent au-dessus de la terre, sous le firmament du ciel. »

21 Dieu créa, selon leur espèce, les grands monstres marins, tous les êtres vivants qui vont et viennent et foisonnent dans les eaux, et aussi, selon leur espèce, tous les oiseaux qui volent. Et Dieu vit que cela était bon.

22 Dieu les bénit par ces paroles : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez les mers, que les oiseaux se multiplient sur la terre. »

23 Il y eut un soir, il y eut un matin : cinquième jour ».

 

Le Créateur bénit les oiseaux et les poissons en se penchant de sa mandorle qui symbolise le ciel (Gn 1, 22). Au milieu des poissons on peut voir une tortue (sur la droite) et une sirène (il n’était pas rare dans l’iconographie de faire appel à des motifs de la mythologie païenne). Les oiseaux occupent tout l’espace en dessous du ciel ; l’aigle au centre symbolise la protection divine :

« Tel un aigle qui éveille sa nichée et plane au-dessus de ses petits, il (le Seigneur) déploie son envergure, il le (son peuple) prend, il le porte sur ses ailes ». (Dt 32, 11)

6ème image

6ème image

6ème image (Gn 1, 24-25)

« 24 Et Dieu dit : « Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce, bestiaux, bestioles et bêtes sauvages selon leur espèce. » Et ce fut ainsi.

25 Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce, et toutes les bestioles de la terre selon leur espèce. Et Dieu vit que cela était bon ».

 

Comme dans les images 2 et 5, le Créateur-pantocrator tient dans sa main gauche le Livre des Ecritures qui signe son alliance avec sa Création. Certains animaux semblent sortir de la terre :  Gn 1, 24 est pris au sens de la lettre (« Que la terre produise des êtres vivants »). On retrouve les plantes de l’image 3 ; elles portent ici des fleurs et des fruits. A droite, un bouc se goinfre de fruits ; le mot hébreu désignant le bouc signifie démon ; peut-on voir ici l’attrait du démon pour le fruit défendu dont il sera question dans l’image 8 ?

L’arbre où s’agrippe le bouc comporte aussi des fleurs blanches en forme de lis qui est le symbole de l’innocence et de la pureté dans ce paradis, toutefois menacées par l’animal diabolique.

7ème image

7ème image

7ème image (Gn 2, 21-22)

« 21 Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit. Le Seigneur Dieu prit une de ses côtes, puis il referma la chair à sa place.

22 Avec la côte qu’il avait prise à l’homme, il façonna une femme et il l’amena vers l’homme ».

 

Le premier récit de la Création se termine par le repos du Seigneur le septième jour (Gn 2, 1-3) qui n’est pas évoqué ici. L’enlumineur passe directement au second récit de la Création où l’homme est d’abord créé (Gn 2, 7) puis la femme, scène très exactement décrite : le Seigneur descendu sur terre, de même taille que les humains, tire Eve du côté d’Adam endormi. Entre eux deux, l’arbre de la Connaissance dont il est interdit de consommer les fruits ; cet arbre est tout à fait semblable à celui dont le bouc dévore les fruits dans l’image précédente et il comporte encore des fleurs blanches en forme de lis, symbole d’innocence et de pureté :

« Le Seigneur Dieu donna à l’homme cet ordre : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ; mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. » (Gn 2, 16-17).

8ème image

8ème image

8ème image (Gn 3, 1-7)

« 01 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? »

02 La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin.

03 Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.” »

04 Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !

05 Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »

06 La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea.

07 Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. Ils attachèrent les unes aux autres des feuilles de figuier, et ils s’en firent des pagnes ».

 

Nous voyons Eve tendre à Adam, qui semble hésitant, un fruit de l’Arbre de la Connaissance autour duquel le serpent diabolique est enroulé, lui-même en savourant un. Ils se rendent compte alors de leur nudité qu’ils cachent par des feuilles de figuier. Notons que dans cette dernière image les fleurs blanches en forme de lis des images précédentes sont maintenant grises : Adam et Eve ont désobéi et ils ont perdu leur pureté et leur innocence.

 

Ce texte fondateur de la Création est maintenant analysé à la lumière de l’exégèse moderne. Certains continuent pourtant de l’interpréter d’une manière littérale comme s’il s’agissait d’événements historiques.

 

Comme on le voit en lisant le texte biblique, il n’est pas encore question de péché originel. Cette notion sera mise en avant par Saint Augustin au 4° s.

A propos de la désobéissance de Adam et Eve, on peut se reporter à mon article « La réconciliation (2) » : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2015/02/la-reconciliation-2.html

(paragraphes « La honte de notre nudité » et « La faille originelle »)

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