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Passer invenit sibi domum

Le passereau s’est trouvé une maison, et la tourterelle un nid où déposer ses petits : tes autels Seigneur tout puissant, mon Roi et mon Dieu ! Heureux ceux qui habitent dans ta maison, éternellement ils te loueront.

Ps 83, 4-5

 

Passer invenit sibi domum

et turtur nidum ubi reponat pullos suos

altaria tua Domine virtutum rex meus et Deus meus

beati qui habitant in domo tua

in saeculum saeculi laudabunt te.

Ta maison comme la douceur d’un nid

 

Cette antienne de communion est destinée au troisième dimanche de Carême quand l’évangile de la Samaritaine n’est pas lu ; c’est alors la communion Qui biberit aquam  qui est chantée (Jn 4, 13-14)

Loin d’être seulement une période sombre et culpabilisante, le Carême, s’il offre l’occasion de prendre conscience de ses manquements et de la nécessité d’y remédier (psaume 50), présente aussi maintes perspectives sur la miséricorde divine. En cela le psaume 90 qui est utilisé pour la totalité des pièces grégoriennes du 1er dimanche de Carême donne une tonalité que nous retrouvons dans cette antienne de communion.

Nous y retrouvons l’évocation des animaux ailés : la douceur des ailes protectrices trois fois évoquée dans la messe du 1er dimanche par l’emploi de ps 90, 4-5 (trait, offertoire, communion) Scapulis suis obumbrabit tibi Dominus … Le Seigneur t’abritera à l’ombre de ses épaules et sous ses ailes tu espéreras. Comme d’un bouclier, sa fidélité t’entourera.

Passer invenit sibi domum

Dans cette antienne de communion, la douceur est celle de la maison, du nid que constituent le temple et les autels du Seigneur.

L’image du bouclier peut être sous-entendue dans l’expression Domine virtutum – Seigneur des puissances qui traduit l’hébreu tseba’ôt (transcrit généralement Sabaoth). Ces puissances peuvent être celles du Dieu des armées d’Israël (1 S 17, 45), qui met l’ennemi en fuite (cf. le graduel issu de Ps 9, 4.20), ou de la Création (Jr 31, 35).

Puissance et tendre protection se marient ici comme dans d’autres versets du psaume 83 d’où est issue cette antienne :

Heureux ceux qui puisent leur force en toi (Ps 83, 6)

Seigneur Sabaoth, écoute ma prière (Ps 83, 9)

Regarde, Seigneur, toi, notre bouclier (Ps 83, 10)

Le Seigneur est rempart et bouclier (Ps 83, 12)

Seigneur Sabaoth, heureux l’homme qui se fie en toi ! (Ps 83, 13)

 

Ce verset 13 qui termine le psaume 83 résume parfaitement ce bonheur de la puissante protection que Dieu accorde dans sa maison.

L’évangile qui était lu ce 3ème dimanche de Carême avant la réforme liturgique montrait justement ce combat pour défendre la maison contre Satan, l’ennemi, l’esprit impur :

21 Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité.

22 Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé.

23 Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse.

24 Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.”

25 En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée.

26 Alors il s’en va, et il prend d’autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de sept ; ils entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début. »

27 Comme Jésus disait cela, une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri ! »

28 Alors Jésus lui déclara : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » (Lc 11, 21-28, trad. Bible liturgique)

 

L’Offertoire qui suivait mettait alors justement en valeur la douceur de la parole de Dieu qui donne la joie :

Les préceptes du Seigneur sont droits, ils mettent la joie au cœur. Ses volontés sont plus douces que le miel qui coule des rayons. Aussi ton serviteur les garde-t-il (Ps 18, 9-12)

Cette douceur et cette joie rejoignent celles exprimées dans le psaume 83 d’où est issue notre antienne de communion avec une remarquable progression exprimée dès les premiers versets :

De quel amour j’aime ta demeure, ô Seigneur Sabaoth !

Mon âme languissait de désir pour les parvis du Seigneur.

Mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant.

(Ps 83, 2-3)

Metz, Cathédrale, portail de la Vierge (photo wikimedia commons)

Metz, Cathédrale, portail de la Vierge (photo wikimedia commons)

Cette joie n’est pas sans évoquer celle que procure l’arrivée du printemps et ce chant des oiseaux qui construisent leur nid pour protéger leurs petits. Temps liturgiques et saisons sont toujours intimement liés. Cette joie prépare celle qui ouvrira triomphalement la messe du 4ème dimanche dans son introït :

Laetare, Ierusalem … Réjouis toi, Jérusalem ; rassemblez-vous, vous tous qui l’aimez. Soyez dans la jubilation, vous qui étiez dans la tristesse. Exultez, soyez rassasiés, soyez comblés de consolation. (Is 66, 10-11)

Antienne à laquelle est joint le verset :

J’étais dans la joie quand on m’a dit : « Allons à la maison du Seigneur » (Ps 121, 1)

 

Cette traversée du désert qui symbolise le Carême à l’exemple de ce qu’a pu vivre Jésus (Lc 4, 1-13) continue comme un pèlerinage et les pèlerins que nous sommes commencent à apercevoir le nid protecteur : Jérusalem et la maison du Seigneur.

 

Pour lire le psaume 83 en entier (traduction liturgique) :

https://www.aelf.org/bible/Ps/83

 

Je vous propose aussi une petite méditation sur le temple de Jérusalem et sa destruction en fin d’article, après les compléments.

 

Passer invenit sibi domum
Passer invenit sibi domum

Einsiedeln, Stiftsbibliothek, Codex 121(1151), p. 134 – Graduale – Notkeri Sequentiae

Ce manuscrit de Einsiedeln (10ème siècle) montre les neumes dessinés au-dessus du texte latin. Le "E 134" (Einsiedeln p. 134) inscrit en marge de la transcription solesmienne ci-dessous indique justement la provenance de l'appareil neumatique transcrit au-dessous de la notation établie par les moines. L'écriture neumatique peut être considérée comme la mise en espace sonore du texte de la Parole.

Texte de l’antienne

 

Il correspond au texte exact du Psautier romain sauf l’omission de Etenim (conjonction de coordination : et de fait …) et Domine qui fait double emploi avec Deus meus qui précède.

 

etenim passer invenit sibi domum

et turtur nidum ubi reponat pullos suos

altaria tua Domine virtutum rex meus et Deus meus

beati qui habitant in domo tua Domine

in saeculum saeculi laudabunt te

 

Cette antienne de communion sert également pour le 15ème dimanche du Temps ordinaire et pour la dédicace d’une église.

Graduel triplex de Solesmes pp. 306-307
Graduel triplex de Solesmes pp. 306-307

Graduel triplex de Solesmes pp. 306-307

La mélodie

 

Annoncée comme étant du 1er mode, elle n’en a que peu de caractéristiques sauf, peut-être, une certaine importance donnée au la qui en constitue la teneur psalmodique habituelle et constitue deux fois ici une cadence au caractère plutôt suspensif (suos et, à la fin, dabunt te).

Cette antienne plane très haut (du sol du medium au la supérieur) et dans l’indéfini, sans modalité bien présente : si l’image des oiseaux et du nid est très concrète pour définir la douceur de la maison de Dieu (harmonies imitatives en r du roucoulement de la tourterelle, turtur, par trois pes liquescents, ré-mi/do-ré/ré-mi), la communion que cette pièce grégorienne accompagne est le moment où le fidèle est censé rejoindre la demeure céleste et l’éternité (in saeculum saeculi). Les autels (le Temple en possédait plusieurs) sont maintenant situés dans le ciel comme le rappelle le Canon romain (1ère prière eucharistique) :

Supplices te rogamus … Nous t´en supplions, Dieu tout-puissant : qu´elle (cette offrande) soit portée par ton ange, en présence de ta gloire, sur ton autel céleste, afin qu´en recevant ici, par notre communion à l´autel, le corps et le sang de ton Fils, nous soyons comblés de ta grâce et de tes bénédictions.

Etymologiquement le mot altare (autel) vient de altus (haut).

Cette hauteur est signifiée par un bel élan de la mélodie (altaria tua Domine) qui, du do supérieur, va atteindre le la sur Domine. La qui sera atteint de nouveau sur domo dans un élan mélodique semblable : la maison (domus) – domum mis en valeur dès le début par deux pes quadratus, mi-fa/mi-fa, valeurs appuyées - c’est le Seigneur lui-même (Dominus) auquel accède le fidèle par la communion.

L’incise Rex meus et Deus meus est constituée d’une première descente mi-la, puis d’une remontée assez symétrique au mi et d’une redescente au sol. Avec des mélismes très doux aux degrés souvent conjoints et ne dépassant pas la tierce, elles traduisent une intériorisation de la contemplation.

Le caractère suspensif des deux cadences sur le si (saeculi) puis, un demi ton plus bas, sur le la (laudabunt te) laisse sur une impression d’éternité évoquant bien le texte in saeculum saeculi.

Passer invenit sibi domum

Comme interprétation j’ai choisi

 

Par des chœurs :

https://www.youtube.com/watch?v=2GzhuBTO5_g

https://www.youtube.com/watch?v=gQCxyXqLwt4

 

Voix soliste :

L’excellente interprétation du ténor Hervé Lamy met bien en valeur la tessiture aigue de la mélodie (et le recoulement de la tourterelle !) : Le bâtisseur Communio : Passer Invenit (youtube.com)

 

Compléments

-          Ps 90 – Sous les ailes divines :

http://www.bible-parole-et-paroles.com/2016/02/psaume-90-sous-les-ailes-divines.html

 

-          Psaume 50 – Miserere :

http://www.bible-parole-et-paroles.com/2018/02/psaume-50-miserere.html

 

-          Un pays ruisselant de lait et de miel (cf. Offertoire du 3ème dimanche de Carême tiré de Ps 18, 9-12) :

http://www.bible-parole-et-paroles.com/2018/09/un-pays-ruisselant-de-lait-et-de-miel.html

 

-          Ma page Facebook « Que tes demeures sont désirables » :

https://www.facebook.com/Que-tes-demeures-sont-désirables-270757470358285/?modal=admin_todo_tour

Passer invenit sibi domum

Petite méditation sur le temple de Jérusalem et sa destruction

 

Ce chemin des pèlerins vers Jérusalem est aussi celui que parcourt Jésus avec le destin tragique qui l’attend mais aussi la glorification auprès du Père.

Le temple de son corps éperdu d’amour pour ses frères qui le refusent, symbole du temple abritant la tendresse de Dieu, sera abandonné à la mort, comme l’édifice, désormais livré aux marchands, est voué à être déserté et même détruit :

Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu !

Voici que votre temple vous est laissé : il est désert. (Mt 23, 37-38)

 

Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment.

Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? »

Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »

Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. (Jn 2, 15-21)

 

Jésus était sorti du Temple et s’en allait, lorsque ses disciples s’approchèrent pour lui faire remarquer les constructions du Temple.

Alors, prenant la parole, il leur dit : « Vous voyez tout cela, n’est-ce pas ? Amen, je vous le dis : il ne restera pas ici pierre sur pierre ; tout sera détruit. » (Mt 24, 1-2)

 

Jésus avait déjà déclaré à la Samaritaine :

Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.

Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.

Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.

Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » (Jn 4, 21-24)

 

Cette adoration-connaissance de Dieu se fera désormais par une interprétation des Ecritures à la lumière de la vie et des paroles du Christ.

Le voile du temple qui se déchire à sa mort en est le puissant symbole (Mt 27, 51) explicité ensuite par Paul :

Mais leur entendement (aux fils d’Israël) s'est obscurci. Jusqu'à ce jour en effet, lorsqu'on lit l'Ancien Testament, ce même voile demeure. Il n'est point retiré ; car c'est le Christ qui le fait disparaître.

Oui, jusqu'à ce jour, toutes les fois qu'on lit Moïse, un voile est posé sur leur cœur.

C'est quand on se convertit au Seigneur que le voile est enlevé. (2 Co 3, 14-16)

 

A la suite de Jésus, il nous faut poursuivre le pèlerinage et l’écouter nous expliquer les Ecritures sur le chemin d’Emmaüs :

Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait. (Lc 24, 27)

Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » (Lc 24, 32)

 

Nous sommes prévenus, ce pèlerinage à la suite de Jésus est sans fin, sans repos :

Mais Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » (Mt 8, 20)

 

Identifiés au Christ ressuscité (Rm 6, 1-11) nous sommes devenus ce sanctuaire où les oiseaux trouvent un gite et y abritent leur couvée (Ps 83, 4) :

Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. (1 Co 3, 17)

 

« En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. » (Mt 25, 40)

 

Ecoutant la Parole et la mettant en pratique, nous bâtirons notre maison sur le roc :

Quiconque vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il ressemble. Il ressemble à celui qui construit une maison. Il a creusé très profond et il a posé les fondations sur le roc. Quand est venue l’inondation, le torrent s’est précipité sur cette maison, mais il n’a pas pu l’ébranler parce qu’elle était bien construite. (Lc 6, 47-48)

 

Passer invenit sibi domum
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