Le jugement dernier
"Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire. 32 Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs. 33 Il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. 34 Alors le Roi dira à ceux de droite: Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. 35 Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, 36 nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir. 37 Alors les justes lui répondront: Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, 38 étranger et de t'accueillir, nu et de te vêtir, 39 malade ou prisonnier et de venir te voir? 40 Et le Roi leur fera cette réponse: En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. 41 Alors il dira encore à ceux de gauche: Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges. 42 Car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné à boire, 43 j'étais un étranger et vous ne m'avez pas accueilli, nu et vous ne m'avez pas vêtu, malade et prisonnier et vous ne m'avez pas visité. 44 Alors ceux-ci lui demanderont à leur tour: Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou prisonnier, et de ne te point secourir? 45 Alors il leur répondra: En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l'avez pas fait. 46 Et ils s'en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à une vie éternelle."
Evangile de Matthieu 25 31-46 (Traduction Bible de Jérusalem)
Le contexte
Regardons dans quel contexte se situe ce passage de l’évangile de Matthieu. Au chapitre 22 (34-40), Jésus insiste sur les deux commandements essentiels (v.37-39) : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit … Tu aimeras ton prochain comme toi-même »). Au chapitre 23 (1-36), Jésus invective les scribes et les pharisiens qui respectent la Loi dans sa lettre mais pas dans son esprit (v. 28 : « Vous offrez aux yeux des hommes l’apparence des justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité ») ; suit l’évocation de la fin du temple de Jérusalem combinée à celle de la fin du monde (chap. 24).
Suivent des paraboles qui insistent sur l’importance de veiller, et surtout d’une veille active : - Parabole du maître et des serviteurs (24 45-51) : "Heureux ce serviteur que son maître en arrivant trouvera occupé de la sorte ! " (v.46)
- Parabole des dix Vierges (25 1-13) : Les cinq vierges sensées avaient prévu de l’huile pour leurs chandelles en quantité suffisante pour attendre le retour de l’époux (= Jésus) qui refuse l’entrée de la salle des noces (les « noces éternelles » avec le Christ au sein du Royaume) aux cinq vierges imprévoyantes.
- Parabole des talents (25 14-30) : Jésus insiste sur l’importance de faire fructifier les talents en attendant le retour du Maître au lieu de les enfouir minablement par peur de les perdre (résumons : ne pas faire le mal ne suffit pas, il faut aussi faire le bien !)
Vient alors le passage (péricope) cité au tout début (25 31-46) qui s’éclaire alors complètement après tous les passages précédents. Jésus a interrompu son évocation de la fin du monde (24 1-31) et la reprend maintenant pour parler du Jugement dernier qu’elle annonce en fait.
Le jugement dernier
Pour les juifs de son époque qui subissaient la domination romaine, et encore plus ensuite pour les premiers chrétiens, la fin du monde et le jugement dernier étaient imminents. En bon pédagogue, à travers la préoccupation des gens de son époque, il ne cherche pas à dramatiser ces événements mais principalement à délivrer son message d’amour universel juste avant sa passion qui sera pour ses disciples comme la « fin du monde ». Matthieu accompagne d’ailleurs la mort de Jésus d’événements apocalyptiques : « La terre trembla et les rocs se fendirent et les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints endormis s’éveillèrent » (27 51-52)
Le juge
L’envoyé de dieu chargé du Jugement dernier sera son messie, le Fils de l’Homme. Le « Fils de l’Homme » est une expression difficile ; il représente en quelque sorte le messie attendu par les Juifs, d’abord sous la figure d’un roi, puis, par extension, d’un personnage qui comme le roi a reçu l’onction avec parfois cette expression de Fils d’Homme, un homme complètement abouti, qui a retrouvé l’image de son Dieu à laquelle il avait été créé, en quelque sorte « labellisé » avec l’onction spirituelle de Dieu. Le Christ est le nouvel Adam : « C’est ainsi qu’il est écrit : le premier homme, Adam, a été fait âme vivante ; le dernier Adam, esprit vivifiant » (Paul aux Corinthiens : 1 Cor 15 45)
Le jugement
Il sépare, il tranche comme l’épée : « De sa bouche sort une épée acérée, à double tranchant ; et son visage, c’est comme le soleil qui brille dans tout son état » (Apocalypse 1 16).
Sous la lumière crue du « Soleil de Justice » (Malachie 4 2), nous sortons de l’anonymat des nations et des gens, nous nous voyons nous-mêmes brebis ou boucs.
- Les brebis, à sa droite : Rappelons que Jésus est le bon pasteur et la porte de ses brebis (Jean 10). Ici sont rassemblées toutes les nations (32) et les brebis ne sont pas forcément des « croyants » (v. 37 : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir … »). Le salut n’est pas réservé aux seuls « croyants » comme on l’a longtemps proclamé dans l’Eglise (« Hors de l’Eglise point de salut », St Cyprien de Carthage, 3ème siècle) mais comme la déclaré le Concile Vatican II (Lumen Gentium, 16): «Ceux-qui, sans qu’il y ait de leur faute, ignorent l’Evangile du Christ et son Eglise, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, eux aussi peuvent arriver au salut éternel ». Ouf ! 2000 ans, et combien de personnes persécutées par l’Eglise, pour en arriver là !
- Les boucs, à sa gauche : les boucs dans toute l’antiquité représentent un animal maléfique. Le « bouc émissaire » était chassé dans le désert après avoir été chargé par le Grand prêtre des péchés des enfants d’Israël au cours d’une cérémonie (Lévitique 16 20-22). La psychanalyse a maintenant donné une explication (transfert) de ce geste très ancien. L’image est claire : le péché, surtout celui contre l’Amour universel envers les plus petits, n’a pas sa place dans le Royaume avec les brebis du bon Pasteur.
L’objet du jugement
« Jai eu faim … J’ai eu soif … J’étais un étranger … J’étais nu … malade … prisonnier … » A quatre reprises Jésus reprend les mêmes termes, toujours en pédagogue, il insiste car c’est là le cœur de son message sur lequel il revient avant l’engloutissement dans sa passion, son don suprême. Ce jugement dernier ne repose assurément pas sur le respect ou non de normes plus ou moins pointilleuses de la Loi !
Bouc ou brebis ?
La charité, ou loi de l’amour universel, est ici le seul critère. C’est lui qui détermine le degré de foi, d’adhésion au Dieu Amour. Seuls ceux qui la pratiquent, peuvent accéder au salut du Royaume. Ceux qui ne la pratiquent pas n’ont même pas le « statut » de brebis, ils sont des boucs maléfiques qui concentrent sur eux tous les péchés, animaux puants, lubriques et obscènes qui se destinent d’eux-mêmes au feu éternel du désert !
« L’empire du faux s’étendra ; nombreux ceux qui aiment et qui aimeront moins. Mais sera libéré celui qui aura résisté jusqu’à la fin. (Evangile de Matthieu 24 12-13)*
« Le Royaume de Dieu de Dieu est déjà là, au milieu de vous » * (Evangile de Luc 17 21)
* * Traductions « Bible Bayard »
Dans les verts pâturages …
Le Seigneur est mon berger ; je ne manque de rien ;
il me fait demeurer dans les verts pâturages.
Il me mène reposer près des eaux ;
il ranime mes forces.
Il me guide par le bon chemin
pour l’honneur de son Nom.
Si je traverse un ravin ténébreux,
je ne crains aucun mal, car tu es avec moi.
Ton bâton, ta houlette,
voilà mon réconfort !
Pour moi tu prépares la table,
sous les yeux de mes adversaires.
Tu répands le parfum sur ma tête ;
tu me donnes une coupe débordante.
Grâce et bonheur viendront m’accompagner
tous les jours de ma vie.
Pour de longues années,
j’habiterai la maison du Seigneur.
Psaume 22 (traduction de Ligugé)