Veillez
"Alors prenez garde ! Ne vous endormez pas ! Vous ne savez pas quand cela arrivera. C’est comme un homme qui part en voyage : il laisse sa maison, il la confie à ses serviteurs, à chacun sa tâche, et au portier il ordonne de rester éveillé. Restez donc éveillés. Vous ne savez pas quand le maître rentrera : le soir, à minuit, au chant du coq, à l’aube. Craignez qu’il n’arrive sans prévenir et vous trouve en train de dormir. C’est pour cela que je vous répète : restez éveillés ! »
Evangile de Matthieu 13 33-37 (Traduction Bible Bayard)
Veillez !
Comme Matthieu (voir article du 27/11/2014), Marc évoque la fin du monde (13 1-27) ; il part de cette attente très prégnante à son époque pour répondre à ses disciples qui lui posent la question de la prévision de sa date qu’il faut se tenir prêt et veiller. Avec insistance, il s’y prend à trois reprises. Une courte parabole reprend le thème par ailleurs connu du maître parti en voyage dont les serviteurs doivent attendre le retour, chacun avec sa tâche bien définie. Ici le portier se voit tout particulièrement chargé de la veille, de guetter à l’extérieur les indices du retour du maître.
Le figuier
Car si l’on ne sait ni le jour, ni l’heure, des indices permettent de déceler l’approche du maître, du Seigneur. La courte parabole du figuier (13 28-32) qui précède notre passage l’explicite : « Pensez au figuier. Quand sa branche devient tendre et que ses feuilles poussent, vous savez que l’été est proche. De même, quand vous verrez tout cela arriver, sachez que le Fils de l’homme est proche, qu’il est à votre porte ! »
Le monde ancien s’en est allé, un nouveau monde est déjà né
Remarquons qu’après avoir évoqué les terribles événements de la fin du monde, Jésus propose l’image apaisante d’un figuier qui annonce l’été. Jésus ne s’attarde pas sur l’aspect terrible de la fin du monde qui frappe les imaginations, il s’intéresse davantage à l’avènement du monde nouveau, véritable « été » du Royaume tant attendu (mais déjà là !).
Veillez … Veillez … Veillez …
A la veille de sa mort, Jésus, au jardin de Gethsémani demande à quatre reprises à Pierre, Jacques et Jean de veiller pendant que lui prie. Les disciples s’endorment et il doit les réveiller à trois reprises. La première fois il leur précise : « Restez éveillés. Priez pour ne pas être tentés. L’esprit s’enflamme, mais la chair est faible » (14 32-42). Malgré leur promesse de suivre Jésus jusqu’à la mort, les disciples s’endorment, préfèrent ne pas voir la réalité pourtant évidente. Bien souvent nous ne voyons que ce que nous voulons bien voir !
Veillons !
L’Eglise catholique a gardé cette habitude juive de commencer la célébration liturgique des fêtes le soir précédant leur solennité. Dans la veille, il y a une tension permanente entre le passé qui n’est plus et le futur qui n’est pas encore, comme une approche de l’éternité. Le temps présent se dilate, devient un éternel présent, nourri de passé et de futur. Ne dit-on pas : « cela fait une éternité que j’attends » ?
« Car mille ans sont à tes yeux comme le jour d’hier qui passe, comme une veille dans la nuit » (Psaume 89 v.4)
Pour que nous restions éveillés, la veille doit être active, comme celle des cinq vierges sages (Mt 25 1-13) qui prévoient l’huile pour leurs lampes. La veille suppose un cheminement intérieur en attendant la réalité du lendemain.
Veiller, c’est ne pas s’endormir sur ses lauriers, ses certitudes, son confort, c’est être ouvert sur un autre jour, d’autres réalités, des surprises possibles.
Veiller, c’est attendre le jour, la lumière, guetter la moindre clarté, scruter dans la nuit, la nuit du monde, la moindre lumière, dans l’hiver du monde, la promesse de l’été.
Veiller sur mon proche, voir ce qui pourra l’épanouir, le rendre heureux, lui permettre de croire en l’amour de Dieu à travers moi.
Ne pas dormir, veiller avec le Christ, participer à sa prière d’agonisant auprès de ceux qui souffrent, qui agonisent dans leur corps et leur esprit.
Et veiller, en ce premier dimanche de l’Avent, c’est attendre d’une veille active, la venue du Roi en son Royaume, au milieu des petits et des pauvres.
« Oui, mon âme attend le Seigneur, plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. Plus qu’un veilleur ne guette l’aurore, attends le Seigneur, Israël ! Car auprès du Seigneur, l’amour est sans limite ; auprès de lui se trouve le rachat. »
Psaume 129 v. 6-7 (traduction Ligugé)
Un peu de musique pour continuer la méditation
J.-S. Bach a composé une célèbre cantate sur le thème du veilleur et de la parabole des dix vierges (voir l’article du 27/11/2014, Mt 25 1-13) « Wachet auf, ruft uns die Stimme » (Réveillez-vous la voix des veilleurs vous appelle).
Voici la traduction du choral qui ouvre l’œuvre :
« Réveillez-vous, nous crie la voix des veilleurs, haut sur les créneaux, réveille-toi, ô ville de Jérusalem ! Cette heure se nomme minuit ; ils nous appellent d’une voix claire : où êtes-vous, vierges sages ? Debout, le fiancé arrive ; levez-vous, prenez-vos lampes ! alleluia » (Traduction de Gilles Cantagrel dans « Les cantates de J.-S. Bach, Fayard, p. 1095)
et transcription à l’orgue par J.-S. Bach lui-même (interprétation de Benjamin Righetti) :
Les vierges sages et les vierges folles vues par (liens vers le Musée du Louvre) :
Abraham Bosse de l’Ecole française du 17ème siècle
et Saenredam de l’Ecole hollandaise du 16ème siècle