Les dix lépreux
11 Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée.
12 Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance
13 et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. »
14 A cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.
15 L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.
16 Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain.
17 Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ?
18 Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! »
19 Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
(Lc 17, 11-19)
Illustration d’entête : Miniature, c.1020-1030, Codex Aureus Epternacensis, Musée National Germanique, Nuremberg, Allemagne. Manuscrit enluminé et écrit par le scriptorium de l’Abbaye d’Echternach (aujourd’hui au Luxembourg).
Luc est le seul à évoquer la guérison de dix lépreux dans ce passage de son évangile ( Lc 17, 11-19) proclamé le 28ème dimanche du temps ordinaire (année C).
Comme souvent, il est intéressant de comparer le passage d’évangile étudié avec d’autres extraits des Ecritures relatant des faits similaires.
Matthieu et Marc relatent la guérison d’un seul lépreux, ce que Luc lui-même rapporte dans un autre passage :
12 Jésus était dans une ville quand survint un homme couvert de lèpre ; voyant Jésus, il tomba face contre terre et le supplia : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. »
13 Jésus étendit la main et le toucha en disant : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, la lèpre le quitta.
14 Alors Jésus lui ordonna de ne le dire à personne : « Va plutôt te montrer au prêtre et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit ; ce sera pour tous un témoignage. »
(Lc 5, 12-14)
Ce texte est le même que celui de Matthieu (Mt 8, 2-4)
02 Et voici qu’un lépreux s’approcha, se prosterna devant lui et dit : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. »
03 Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » Et aussitôt il fut purifié de sa lèpre.
04 Jésus lui dit : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et donne l’offrande que Moïse a prescrite : ce sera pour les gens un témoignage. »
Le texte de Marc (Mc 1, 40-45) est aussi le même sauf à la fin où Marc demande avec fermeté au lépreux guéri de rester discret, ce qu’il ne fera pas. Marc veut sans doute mettre en valeur l’aspect témoignage de cette guérison pour expliquer la grande popularité de Jésus :
40 Un lépreux vient auprès de lui ; il le supplie et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. »
41 Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. »
42 À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.
43 Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt
44 en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. »
45 Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.
Marc accentue le contexte de transgression de la loi : Jésus touche le lépreux pour le guérir, ce que la loi ne tolérait pas (Lc 5, 13 – Mt 8, 3 – Mc 1, 41) mais on peut supposer aussi que celui-ci ne va pas se présenter au prêtre – ce que prescrit la Loi - pour proclamer aussitôt partout sa guérison.
Dans la première lecture de ce même 28ème dimanche du temps ordinaire, nous voyons Naaman plonger sept fois dans le Jourdain pour guérir de sa lèpre. Il obéissait ainsi à la consigne que le prophète Elisée, resté dans sa maison, lui avait transmise par l’entremise d’un serviteur (2 R 5, 9-10). A sa grande déception, Elisée ne l’avait pas reçu et n’avait pas « agité sa main au-dessus de l’endroit malade » (2 R 5, 11). Cependant, Naaman calma sa colère, montra de l’humilité et obéit à l’injonction d’Elisée :
Il descendit jusqu’au Jourdain et s’y plongea sept fois, pour obéir à la parole de l’homme de Dieu ; alors sa chair redevint semblable à celle d’un petit enfant : il était purifié ! (2 R 5, 14)
On mettait sous le nom de lèpre différentes maladies contagieuses qui atteignaient les chairs. La peur de la contamination entraînait l’exclusion de la vie sociale normale, d’où cette notion d’impureté qui affectait finalement toute la personne. Seul un prêtre pouvait la constater officiellement :
L’homme est lépreux : il est impur. Le prêtre le déclarera impur : il a une tache à la tête. (Lv 13, 44)
De même, le prêtre constatera d’abord la disparition de la lèpre et enclenchera ensuite tout un rituel de purification durant huit jours (Lv 14, 1-32).
Jésus, et les évangélistes qui relatent ce miracle, insistent aussi davantage sur la purification, c’est d’ailleurs la demande des lépreux et celle-ci précède la disparition de la lèpre. Jésus demande cependant au lépreux d’aller auprès du prêtre pour sa purification officielle. Jésus se situe entre violation de la Loi (toucher le lépreux) et soumission à la Loi (se présenter au prêtre). C’est la compassion qui l’anime.
Ces constatations vont maintenant nous permettre d’aborder le texte de Luc proclamé ce dimanche et de voir ses particularités.
Luc est donc le seul à relater la purification-guérison de dix lépreux.
11 Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée.
12 Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance
13 et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. »
14 A cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.
15 L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.
16 Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain.
17 Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ?
18 Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! »
19 Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
(Lc 17, 11-19)
Ils sont dix lépreux, comme les dix commandements. Luc place Jésus dans le cadre de la Loi comme nous l’avons déjà constaté ci-dessus. Ils se tiennent à distance, conformément à la loi, et demandent à Jésus d’avoir pitié d’eux, non précisément de les guérir ou purifier. Celui-ci les renvoie aux prêtres sans commentaire. Il n’est pas question de compassion comme dans Mc 1, 41.
Jésus semble assez détaché et ne vouloir intervenir qu’à distance sans étendre la main et toucher, comme dans les textes précédents.
On peut considérer que le lépreux qui revient vers Jésus a intériorisé sa guérison, intensifié sa confiance initiale. En termes chrétiens, il a approfondi sa foi, achevé sa conversion et il en rend grâces.
Samaritain, et donc considéré comme un étranger par les Juifs, il échappe à l’emprise de la Loi à laquelle Jésus lui a demandé d’ailleurs de se soumettre. Purifié par Jésus, il considère que sa guérison n’est pas l’affaire de prescriptions rituelles. Il reconnaît en Jésus celui qui sauve et pas seulement guérit. Jésus n’est pas un thaumaturge qui s’oppose à la Loi, il la dépasse, l’enrichit ; il se place dans le domaine de la confiance, de la foi.
Rappelons-nous que ce passage d’évangile de Luc se situe à la suite de celui où il proclame qu’une foi grosse comme une graine de moutarde permet d’ordonner avec succès à un arbre d’aller se planter dans la mer (Lc 17, 5-6).
Jésus est aussi le serviteur qui n’a fait que son devoir de compassion (Lc 17, 10).
C’est à Dieu qu’il convient de rendre grâces (Lc 17, 16.18) par Jésus son Fils et non par un sacrifice. Une relation nouvelle s’établit entre celui qui est bien plus qu’un guérisseur et celui qui est plus qu’un miraculé.
Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. » (Lc 17, 19)
La foi doit s’accompagner de gratitude pour s’élever jusqu’au salut.
Jésus est celui qui relève (le mot grec correspondant est aussi celui employé dans le cadre de la résurrection de Jésus).
Jésus relève-ressuscite le lépreux qui est déclaré comme mort par la Loi qui l’exclut de la société à cause de son impureté.
Mais maintenant, nous avons été dégagés de la Loi, étant morts à ce qui nous entravait ; ainsi, nous pouvons servir d’une façon nouvelle, celle de l’Esprit, et non plus à la façon ancienne, celle de la lettre de la Loi. (Rm 7, 6)
C’est un Samaritain, un étranger, qui a perçu de manière très fine, la prédication nouvelle de Jésus : la foi, la confiance, l’action de grâces doivent l’emporter sur l’observance stricte de la Loi et de ses rituels.
Pour nous purifier de nos « lèpres », nous contentons-nous d’observances rituelles ou nous retournons-nous vers le Christ avec foi et confiance en rendant grâces au Père pour recevoir son Esprit ?
… Une foi grosse comme une graine de moutarde mais qui peut faire se planter des arbres dans la mer. *
*voir mon article précédent : https://www.bible-parole-et-paroles.com/2025/09/un-arbre-a-la-mer.html
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