Noli me tangere
On a enlevé mon seigneur et je ne sais pas où on l’a mis.
Sur ce, elle se tourne et voit derrière elle Jésus debout. Elle ne sait pas que c’est Jésus.
Femme, pourquoi pleures-tu ? dit Jésus. Qui cherches-tu ?
Le prenant pour le jardinier, elle répond : Si c’est toi qui l’as enlevé, seigneur, dis-moi où tu l’as mis et j’irai le chercher.
Marie ! dit Jésus.
Elle ne fait qu’un tour sur elle-même. Rabbouni ! dit-elle (c’est-à-dire Maître en hébreu).
Ne me touche pas, dit Jésus, car je n’ai pas encore rejoint mon Père. Va dire à mes frères que je monte vers mon Père, votre Père, et mon Dieu, votre Dieu.
Marie la Magdaléenne va l’annoncer aux disciples : J’ai vu le Seigneur et il m’a dit ces choses. Evangile de Jean 20, 13-18
Noli me tangere : ne me touche pas, dans le latin de la vulgate qui traduit le grec original. Cette phrase latine est connue car elle a donné son titre à bien des représentations picturales.
(En vignette : Noli me tangere, Fra Angelico, 1440-41)
Reconnaître le ressuscité
Marie-Madeleine est une femme dont Jésus a chassé sept démons (Luc 8, 2) et qui fit ensuite partie de l’entourage féminin de Jésus aux côtés des disciples. Contrairement à eux, elle a suivi Jésus durant sa passion et elle fut la première à se rendre le premier jour de la semaine au tombeau où a été inhumé Jésus. Les disciples sont encore terrés, morts de peur. Elle retourne au tombeau avec eux pour constater la disparition du corps dont le linge qui avait entouré la tête de Jésus et les bandelettes gisent à terre. Les disciples toujours aussi couards se dépêchent d’aller se cacher à nouveau. Marie est la seule à rester et à connaître l’apparition de deux anges. Elle est en larmes et aperçoit ce qu’elle croit être le jardinier. Elle n'identifie pas Jésus qui se laisse reconnaître en l’appelant de son prénom. Scène intensément dramatique où apparait la tendresse spontanée l’un pour l’autre des deux personnages.
Comme Thomas un peu plus tard, elle aimerait toucher le corps de Jésus. Mais, alors que Jésus invitera Thomas à mettre sa main sur ses plaies, ce qu’il ne semble pas avoir fait finalement, il devine le mouvement de Marie en sa direction et la dissuade : « ne me touche pas ». Thomas comme Marie ne touchent pas le corps du ressuscité mais proclament leur confiance dans leur maître et seigneur : « Rabbouni » … « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Cet acte de confiance - de foi , dira-t-on plus tard – marque la conversion de Marie et Thomas à une autre forme de présence de Jésus : ce n’est plus par le corps mais par l’Esprit que Jésus sera désormais perçu, Esprit qu’il a promis d’envoyer à ses disciples.
La peur, la crainte les saisissent ; ils pensent voir un spectre. Il leur demande : Pourquoi cette inquiétude et pourquoi raisonnez-vous ainsi ?
Regardez mes mains et mes pieds, c’est vraiment moi. Touchez-moi, regardez : un spectre n’a ni la chair ni les os que vous voyez que j’ai. Pendant qu’il leur parle il leur montre ses mains et ses pieds.
Luc 24, 37-40
« Dites ceci à ses disciples et à Pierre : « il vous précède en Galilée. Là-bas, vous le verrez comme il vous l‘avait dit. »
Marc 16, 7
C’est vers les plaies de Jésus, celles que l’on trouve chez les petits, les malades, les pauvres de tout que nous sommes invités à nous tourner (Matthieu 25, 31-46) ; c’est là que nous pouvons maintenant le rencontrer, l’aimer, lui parler … sur les chemins de cette Galilée d’où il ne peut sortir rien de bon ( Jean 1, 46) et qu’il a tant parcourus pour annoncer le Royaume.
Le monde n’a pas reconnu la Parole
Elle (la Parole), la seule et vraie lumière,
en venant au monde
a éclairé chaque homme.
Elle a été dans le monde
le monde fait par elle
et le monde ne l’a pas reconnue.
Elle est venue chez elle
Et les siens ne l’ont pas reçue
Evangile de Jean 1, 9-11
La Parole est venue mais les contemporains de Jésus, et encore les gens de notre époque, ne la cherchent pas dans le Souffle qui a présidé à la Création. Elle n’est pas reconnue parce qu’elle n’est pas cherchée sur un chemin de vérité.
Je ne cherche pas mon propre rayonnement, un autre s’en charge qui fera justice. Eh bien oui, je vous dis que celui qui se fie à ma parole ne verra pas la mort, jamais.
… Si je rayonnais de moi-même, dit jésus, mon rayonnement serait de peu. C’est mon Père qui me fait rayonner, celui dont vous dîtes : « Il est notre dieu », sans le connaître, tandis que moi je le connais … et je me fie à sa parole.
Evangile de Jean 8, 50-51 ; 54-55
Jésus ne venait pas pour lui-même mais pour manifester la Parole du Père, gage d’éternité. Face au trop plein de lois et traditions en tout genre, Jésus ne laisse que le vide d’une absence, le creux de ses plaies que nous sommes invités à toucher. Dans notre pléthore de dogmes et traditions, nous n’avons face aux plaies qui font souffrir les hommes et que nous sommes appelés à toucher du doigt, que le vide d’une absence et d’un questionnement.
Vous scrutez les textes parce que vous comptez sur eux pour obtenir la vie sans fin, or ils témoignent pour moi, et vous ne voulez pas me rejoindre pour vivre dès maintenant cette vie-là. Evangile de Jean 5, 39-40
Malheur aux riches de réponses en tous genres qui croient posséder la réponse à tout !
Jésus ouvre une autre dimension à nos corps, à nos paroles, pour qu’ils accèdent à l’Ineffable. Le Royaume ouvert par la Parole est à la fois dans l’immédiat de la corporéité, mais il est en devenir, ouvert à l’Ineffable.
Jésus, avec son corps glorieux, vient nous aider à porter les croix que nos corps seulement humains ne peuvent soulever dans l’incapacité de discerner le bout du chemin.
L’attitude de Marie- Madeleine doit maintenant dépasser la simple tendresse humaine chargée d’émotion et elle doit tendre la main vers Jésus réuni au Père à travers une distance à la fois petite et immense. C’est dans ce mouvement asymptotique qu’elle percevra de plus en plus la tendresse du Père qui la reconnaît à travers Jésus comme sa fille.
D’une certaine façon nous continuons de faire vivre ce grand mystère de l’incarnation si nous voulons bien reconnaître à travers les creux de l’absence et des plaies Celui en qui le Père continue de rayonner.
Noli me tangere, Le Corrège (v. 1525) (The creative commons attribution share alike.3.0 unported license)
Nous sommes dans un jardin, là où se trouve le tombeau. Le ciel lumineux de l’aurore qui annonce la lumière de la résurrection domine des frondaisons encore épaisses des ténèbres de la nuit. Marie-Madeleine est complètement en extase, à l’instar d’une mystique, devant le ressuscité. Leurs regards se croisent. Elle n’avait pas reconnu Jésus dans le jardinier comme le montrent les outils de jardinage disposés au pied de Jésus. Les deux bras gauches parallèles forment dans le tableau une magnifique diagonale ascensionnelle où le bras droit du ressuscité, toujours dans le même parallélisme, montre le ciel des fins dernières ; l’arbre qui est derrière prolonge en quelque sorte le bras du Christ ; la grosseur du tronc laisse supposer qu’il monte très haut. Marie-Madeleine est en proie à une vive émotion toute terrestre : elle est assise par terre et sa main gauche s’agrippe au rocher ; contrairement à ce qui est montré dans l’œuvre de Fra Angelico ci-dessus, sa main droite crispée, complètement rejetée en arrière, laisse supposer qu’elle vient de la retirer de la direction de Jésus qui ne veut pas se laisser toucher. Le Christ est très serein et tout le mouvement de son corps le dirige vers le ciel ; son pied droit touche à peine le sol ; sa main droite esquisse comme une bénédiction.
A écouter
l’Oratorio pour la fête de Pâques de Johann Sebastian Bach, BWV 249, dirigé par John Eliot Gardiner :
https://www.youtube.com/watch?v=a5ICH1gK5fQhttp://
Rendez-vous sur Facebook
pour suivre l’actualité de notre nouvelle page « La bible en ses jardins » :
/https://www.facebook.com/pages/La-Bible-en-ses-jardins/773057349467840?fref=tshttp://