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Les disciples de Jean et les Pharisiens étaient en train de jeûner. Ils viennent dire à Jésus : « Pourquoi, alors que les disciples de Jean et les disciples des pharisiens jeûnent, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » Jésus leur dit : « les invités à la noce peuvent-ils jeûner pendant que l’époux est avec eux ? Tant qu’ils ont l’époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. Mais des jours viendront où l’époux leur aura été enlevé ; alors ils jeûneront, ce jour-là. »

(Marc 2, 18-20. Trad. TOB)

On se reportera à l’article « Jeûne et vin nouveau » du 19 mars 2015 pour toutes les questions qui concernent Jésus et le jeûne. L’article suivant se veut plus une méditation sur le jeûne que représente le départ de l’époux, Jésus, d’abord lors de sa mort sur la croix puis lors son départ définitif après quelques apparitions une fois ressuscité.

Tu as changé mon deuil en une danse …

Bientôt, trop tôt, l’époux leur fut enlevé.

Ils avaient fini par revêtir leurs habits de noces (Mt 22, 12) .

Ils l’avaient suivi dans ses pérégrinations, dans ses illuminations vertigineuses entre ciel et terre, lui le Christ « Soleil de justice » (Ml 4, 2)

Là-bas, Dieu fit habiter le soleil ;

le voici comme un jeune époux quittant la chambre nuptiale ;

il s’élance joyeux pour courir sa carrière.

Où commence le ciel, il surgit ;

d’un bout à l’autre, il le parcourt ;

à son ardeur, il n’est rien qui n’échappe.

(Ps 18, 6-7. Trad. Abbaye de Ligugé)

Ils avaient fini par voir grand mais avec leurs yeux d’hommes

« Accorde-nous, lui dirent-ils de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. » (Mc 10, 37)

Mais lui leur parla d’une coupe à boire, d’un baptême

Ils le suivraient partout

Mais ils devraient apprendre à servir jusqu’au don ultime (Mc 10, 35-40)

La mort, le mort, ils les fuiraient, c’était trop pour eux

Le voir dans sa gloire, la partager avec lui,

Ils étaient d’accord

pour planter des tentes, un petit univers bien confortable entre passé et présent (Mt 17, 1-8)

Pierre dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie.» (Mt 17, 4)

Retenir l’époux pour des noces éternelles, un bon copain, certes exigeant, mais pas triste, heureux de vivre

Quand ils l’avaient senti déprimer, ils lui avaient préparé une petite fête à son retour à Jérusalem (Mt 21, 1-10)

Mais lui s’entêtait, se mettait en colère,

Il n’aimait pas trop les profiteurs surtout quand ils usent de la religion pour faire leurs petits profits.

Tout ce « petit commerce » marchait pourtant bien,

chacun y trouvait son compte,

les marchands du temple (Mt 21, 13-17)

« Il est écrit : Ma maison sera appelée maison de prière ; mais vous, vous en faites une caverne de bandits ! » (Mt 21, 13)

et eux, qui ne mourraient pas de faim avec lui (Lc 7, 34)

En vérité, en vérité, ce n’est pas parce que vous avez vu des signes que vous me cherchez mais parce que vous avez mangé des pains à satiété. » (Jn 6, 26)

Tu as changé mon deuil en une danse …

Je vous le dis, désormais je ne boirai plus du produit de la vigne, jusqu’au moment de le boire avec vous, dans le règne de mon Père. (Mt 26, 29)

Alors, là, oui, cela devenait sérieux. C’était cependant au cours d’un repas et non d’un jeûne que Jésus instituait le mémorial de sa mort-résurrection, partage du pain et du vin, préfiguration des noces définitives de l’Agneau sacrifié avec son peuple-épouse :

Réjouissons-nous, exultons, rendons-lui gloire

car les noces de l’agneau sont venues,

et son épouse s’est préparée,

il lui a été donné de se revêtir

de lin pur, resplendissant ;

oui, le lin, c’est la justice

de l’action des saints.

Le messager me dit : « Ecris : Heureux ceux qui sont appelés au repas de noce de l’agneau. » Et il ajouta : « Voilà les paroles véridiques de Dieu. »

(Apocalypse de Jean 19, 7-9 ; Trad. Bible Bayard)

Tu as changé mon deuil en une danse …

Mais cela ils ne le discernaient pas encore. C’est vrai, il l’avait annoncé plusieurs fois, mais cette fois-ci, c’était imminent, les noces se termineraient en sauve-qui-peut. L’époux leur serait enlevé et il faudrait faire le jeûne de sa présence (Mc 2, 20).

Comme le psalmiste, ils déchantent et déplorent d’être abandonnés ; mais ils feront l’expérience d’un deuil changé en danse et d’une parure de deuil transformée en parure de joie :

Ta faveur m’avait établi solidement sur les montagnes ;

tu m’as caché ta face, - et ce fut l’épouvante.

Vers toi, Seigneur, j’ai appelé ;

à mon Dieu j’ai demandé pitié.

« Ecoute-moi, Seigneur, - Aie pitié de moi !

Seigneur, sois mon secours ! »

Tu as changé mon deuil en une danse,

mon cilice (*) en parure de joie.

Aussi mon cœur pourra te chanter sans jamais se taire ;

Seigneur, mon Dieu, je veux toujours te rendre grâce.

(Ps 29, 8-9 et 11-12. Trad. Abbaye de Ligugé)

Il avait promis de revenir. Ils devaient l’attendre, faire des provisions d’huile pour maintenir la flamme. Certains s’assoupissaient …

« Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre ! » (Mt 25 1-13)

Les femmes sont les premières à expérimenter sa présence (Lc 24, 1-11). Certains veulent le toucher pour y croire (Jn 20, 24-28).

Tu as changé mon deuil en une danse …

C’est à d’autres réalités palpables que Jésus appelle, le pain a maintenant le goût d’un autre monde accessible aux cœurs qui brûlent au contact des Ecritures :

Ils s’approchèrent du village où ils se rendaient, et lui fit mine d’aller plus loin. Ils le pressèrent en disant : « Reste avec nous car le soir vient et la journée déjà est avancée. » Et il entra pour rester avec eux. Or, quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna.

Alors leurs yeux furent ouverts et ils le reconnurent, puis il leur devint invisible. Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » (Lc 24, 28-32. Trad. TOB)

Dans cette action de grâce pour ce deuil changé en danse, le pain n’est plus seulement du pain mais, en le partageant, nous rendons présent le Seigneur.

Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là ! » Jésus leur dit : « C’est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n’aura pas faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » (Jn 6, 34-35. Trad. TOB)

Croire, c’est marcher sur la mer de nos instincts ténébreux et de nos craintes, venir à Lui pour maîtriser avec Lui dans une création renouvelée les eaux primordiales.

Vers la fin de la nuit, il vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent affolés : « c’est un fantôme », disaient-ils, et, de peur, ils poussèrent des cris. Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! » S’adressant à lui, Pierre lui dit : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. » - Viens », dit-il. Et Pierre, descendu de la barque, marcha sur les eaux et alla vers Jésus. Mais en voyant le vent, il eut peur et, commençant à couler, il s’écria : « Seigneur, sauve-moi ! » Aussitôt Jésus, tendant la main, le saisit en lui disant : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Mt 14, 25-31. Trad. TOB))

Tu as changé mon deuil en une danse …

C’est dans le cœur de nos détresses, de nos doutes, que nous rejoignons l’humanité divine de Jésus reprenant le cri de détresse du psalmiste :

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tu restes loin, malgré mon appel et mes plaintes. (Ps 21, 2 et Mt 27, 46)

Et nous entendrons comme lui la réponse du Père :

Les humbles mangeront et seront rassasiés ;

ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent

Que vive leur cœur à jamais ! (Ps 21, 27)

Tu as changé mon deuil en une danse …

Note :

(*) Ce cilice, d’après J.-L.Vesco est « un vêtement de poils de chèvres noir placé autour des reins en signe de deuil. » Chez certains ascètes pratiquant la mortification physique, c’était un vêtement ou une ceinture en étoffe rugueuses ou plus ou moins hérissée de pointes métalliques.

Complément :

Introït grégorien du jour de Pâques par les moines de l’abbaye bénédictine de Fontgaubault.

Je suis ressuscité, et je suis toujours avec toi, Alleluia : tu as posé la main sur moi, Alleluia ; ta sagesse s’est montrée admirable, alleluia. V. Seigneur, tu me scrutes et tu me connais ; tu connais mon repos et ma résurrection. (Ps 138, 18. 5.6 et 1-2)

et l’admirable hymne « Salve festa dies » (Salut jour de fête !) également pour le jour de Pâques :

Tu as changé mon deuil en une danse …
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