Une tour contre l’Esprit
Lorsque s’est accomplie la Pentecôte, ils étaient tous réunis dans le même endroit quand, provenant du ciel, un bruit soudain, semblable au passage d’un vent violent, a envahi la maison où ils se trouvaient. Ils ont vu des sortes de langues de feu se répartir et se poser sur chacun d’eux. Tous, à ce moment, comblés du Souffle saint, ont parlé selon ce que le Souffle leur donnait à dire, dans des langues étrangères.
Actes des apôtres 2, 1-4
En vignette : La Pentecôte (1604-1614) par Le Greco
Luc place le don de l’Esprit Saint lors de la fête de Pentecôte célébrée par les Juifs cinquante jours après la Pâque (voir notre précédent article)
Dans l’évangile de Jean, le soir du même premier jour où il a rencontré Marie la Magdaléenne, Jésus apparaît aux disciples barricadés dans leur maison par crainte des juifs :
Jésus arrive parmi eux et leur dit : Soyez en paix. Après, il leur montre ses mains et son côté. La joie de voir le Seigneur inonde les disciples. Soyez en paix, leur dit-il à nouveau. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Après, il souffle sur eux et dit : Recevez le Souffle saint. Les fautes que vous effacerez seront effacées, celles que vous retiendrez seront retenues. Evangile de Jean 20, 19-23
Marc et Matthieu ne mentionnent pas cette scène d’accueil de l’Esprit dans leurs évangiles. Ils se contentent de mentionner que Jésus promet aux disciples l’aide de l’Esprit (Mt 10, 20 – Mc 13,11)
Il ya divergence entre Luc et Jean sur la date de l’accueil de l’Esprit promis par Jésus.
Encore une fois où est la vérité historique des évangiles tant mise en avant par le catéchisme (§ 126) ?
Ce qui est évident, c’est la survenue d’un fait historique concernant l’accueil de l’Esprit par les disciples ; maintenant, la date, les circonstances, l’interprétation même peuvent être différentes selon les évangélistes.
Chez Jean, la venue de l’Esprit est reliée directement au pouvoir de remettre les péchés. Chez Luc, elle est rattachée davantage à l’envoi en mission par le don de parler les langues étrangères symbolisées par les langues de feu. Soulignons que ce don des langues consiste bien pour Luc dans la possibilité de s’exprimer dans des langues étrangères (Actes 2, 5-11 ; 10, 46 et 19, 6) et non dans un parler extatique, ou glossolalie, pratiqué par les premières communautés chrétiennes (1 Cor. 14) et repris par des groupes charismatiques.
Autant le récit de Jean est sobre, autant Luc donne à nouveau dans le « technicolor » : le bruit, un vent violent, les langues de feu. Souvenons-nous de l’expérience du prophète Elie qui attend l’arrivée promise de Yhwh sur la montagne de l’Horeb :
Un vent grand et puissant ébranle les montagnes
fracasse les rochers devant Yhwh
Dans le vent il n’y a pas Yhwh
Après le vent un tremblement de terre
Dans le tremblement de terre il n’y a pas Yhwh
Après le tremblement de terre un feu
Dans le feu il n’y a pas Yhwh
Après le feu un bruit de fin silence.
Lorsqu’il entend, Elie cache son visage dans son manteau et sort à l’entrée de la grotte, mais une voix vient à lui :
- Que fais-tu ici, Elie ?
- Je suis agité d’une passion furieuse pour Yhwh …
1 Rois 19, 11-14
Dieu vient dans le « bruit d’un fin silence » !
Tu veux prier ? Va à l’écart, ferme ta porte et prie ton Père présent dans le secret. Et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.
Matthieu 6, 6
"Amour qui planais sur les eaux …
Tu nous engendres du dedans,
Tu fais tressaillir le silence
Au fond de toute créature.
Amour descendant aujourd’hui,
Viens agiter les eaux enfouies
De nos baptêmes …"
Patrice de la Tour du Pin, poète (1911-1975) Chant (cote SECLI KP 72-1)
Cette expérience véritable du divin doit être transmise dans toute la diversité des langues et des cultures à travers la terre et les siècles
Comment se fait-il que, tous, nous les entendions parler des grandeurs de Dieu dans nos langues respectives ?
Actes des apôtres 2, 11
Dans l’histoire de la tour de Babel il est aussi question de la diversité des langues.
Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux !
(Genèse 11, 4. Trad. Bible de Jérusalem)
Ils disent
Ah construisons-nous une ville
et une tour
sa tête touchera le ciel
(Trad. Bible Bayard)
Toucher le divin, scruter le ciel … nous retrouvons des thèmes abordés lors des deux précédents articles. Ici ce n’est pas le verbe grec haptô (toucher) mais une expression dont la traduction mot à mot de la Septante serait « une tour dont la tête sera jusque dans le ciel ».
Je vous invite maintenant à ouvrir le fichier PDF qui contient ma méditation sur "Babel ou le totalitarisme"
Compléments
Chant grégorien pour la Pentecôte
Voir l'article "Messe grégorienne de la Pentecôte" (avec aussi l'hymne "Veni Creator")
http://www.bible-parole-et-paroles.com/2018/05/messe-gregorienne-de-la-pentecote.html
Choral de Bach
Luther a repris la mélodie grégorienne du Veni Creator et a adapté des paroles allemandes : « Komm, Gott, Shöpfer, heiliger Geist … » J.-S. Bach a composé des chorals pour orgue qui reprennent aussi la mélodie. Il en offre deux versions
BWV 667 : https://www.youtube.com/watch?v=tbNroBVNul4
BWV 631 : https://www.youtube.com/watch?v=BKWcI7OR4_o&list=PLE6FF8EE188790316&index=33http://
Le sumac vinaigrier ou Sumac de Virginie (Rhus typhina) forme à l’automne des infrutescences spectaculaires couleur rouille qui me font penser aux langues de feu se posant sur les apôtres à la Pentecôte.