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Le déluge

On trouve des récits de déluge dans de nombreuses traditions mythiques. Des pères de l’Eglise ont comparé le déluge au baptême : le baptisé est plongé dans l’eau qui efface ses péchés et il ressort nouveau, configuré au Christ. Les traditions mythiques y voient également l’anéantissement dans l’eau des créatures usées par le temps, par tout ce qui les défigure (fautes, laisser-aller, absence de renouvellement …). Les créatures renaissent alors, régénérées selon le principe de leur création initiale.

 

Cet article commente deux œuvres d’art qui s’inspirent de cet épisode célèbre du Livre de la Genèse : l’une est une tapisserie du 16° s., l’autre un oratorio du 17° s.

L’illustration d’en-tête est une photo des fresques de la voûte de l’abbatiale Saint-Savin (Vienne) des 12° et 13° s. (Photo Wikimedia commons)

 

Après le déluge, Dieu fait alliance avec Noé

 

La tapisserie à laquelle nous allons maintenant nous intéresser relate la fin d’un épisode célèbre du Livre de la Genèse : le déluge que Noé affronta en construisant, à la demande de Yhwh, une arche qui servit de refuge à lui-même, son épouse, ses trois fils et leurs épouses, et une foule d’animaux dont il fallait préserver les espèces (Gn 5, 32. 6. 7. 8. 9).

 

Lien vers la traduction liturgique de la bible :

https://www.aelf.org/bible/Gn/5

 

A la fin du déluge, après avoir sorti tous les habitants de l’arche, Noé offre un sacrifice à Yhwh (Gn 8, 20). Le tableau relate l’Alliance que Yhwh établit alors avec Noé, sa descendance et celle de tous les êtres vivants sortis de l’arche :

Dieu dit encore à Noé et à ses fils :

« Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : les oiseaux, le bétail, toutes les bêtes de la terre, tout ce qui est sorti de l’arche.

Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »

Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à jamais : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. (Gn 9, 8-13)

 

L’Alliance que Yhwh établit avec Noé préfigure celles qui seront établies plus tard avec Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, David et, à travers eux, le peuple d’Israël.

 

La tapisserie est de Willem de Pannemaker (1512-1581) et appartient à la collection du Rijksmuseum à Amsterdam.

Dimensions : 430 x 560 cm

Date : 1567, Manufacture de Bruxelles

Titre : « Dieu le Père établissant son Alliance avec Noé »

Laine et soie sur chaîne de laine

(Photo Wikimedia commons)

(Photo Wikimedia commons)

Ce thème iconographique est rare. Si les animaux sortis de l’arche ne figurent pas directement dans la scène, les bordures de la tapisserie, typiques de l’ornementation florale et animalière de la Renaissance, permettent d’évoquer le renouveau de la nature après le déluge.

Dieu le Père semble bondir du cadre imprimé par l’arc en ciel, signe de médiation entre ciel et terre, entre les eaux du dessus et celles du dessous, et matérialisation de l’Alliance promise qui restaure l’ordre cosmique initial de la Création.

 

Et dieu dit : « qu’il y ait un firmament au milieu des eaux, et qu’il sépare les eaux. » Dieu fit le firmament, il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament et les eaux qui sont au-dessus. Et ce fut ainsi. (Gn 1, 6-7)

 

Dieu le Père, vieillard aux cheveux longs, moustachu, à la barbe fleurie, entouré d’une nuée de chérubins, a le dynamisme d’un jeune homme pour illustrer ce nouveau printemps.

 

Comme le soleil qu’il a créé, Yhwh, soleil de justice (Ml 3, 20) « tel un époux, il paraît hors de sa tente, il s'élance en conquérant joyeux.

Il paraît où commence le ciel, il s'en va jusqu'où le ciel s'achève : rien n'échappe à son ardeur. (Ps 18, 6-7)

 

Dans le même élan, juste au-dessous de Yhwh, les épouses des fils de Noé, bien qu’étant à genoux, exécutent, de la part de Dieu (elles lui tournent le dos), une sorte de parade nuptiale mettant en relief leurs formes corporelles de futures mères. Dieu promet la fécondité :

 

Dieu bénit Noé et ses fils. Il leur dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre ». (Gn 9, 1)

 

Cette fécondité annoncée tranche avec les restes de l’arbre à leur gauche mort suite au déluge. Les autres arbres qui peuplent la montagne, par leurs ramures vertes et même fleuries, sont aussi annonciateurs d’une fécondité retrouvée.

Au loin, sur le sommet de la montagne, l’arche s’est échouée lors du retrait des eaux du déluge :

 

Et, le dix-septième jour du septième mois, l’arche se posa sur les monts d’Ararat. (Gn 8, 4)

 

Sur la partie droite de la tapisserie, l’épouse de Noé et ses trois fils sont à genoux, tournés en signe d’adoration vers Yhwh, les paumes de leurs mains tournées vers leurs poitrines en signe d’acceptation de l’Alliance.

Noé, au centre, est le personnage auquel est donnée la plus grande stature qui lui permet, par un effet visuel, de presque toucher Yhwh. Les deux s’accueillent à bras ouverts, signe de l’Alliance conclue.

 

Quelle autre période que celle de la Renaissance pourrait traduire avec plus de sensibilité artistique cette promesse d’Alliance, renouveau du lien entre le Créateur et ses créatures, gage d’une fécondité abondante si bien mise en évidence par cette foison de verdures et d’animaux où s’épanouissent hommes et femmes, appelés eux aussi à renouveler la Création ?

Le déluge

Ci-dessus : "Noé offre un sacrifice d'action de grâce après avoir quitté l'arche", huile sur toile (27,5 cmm x 40 cm) de Domenico Morelli (1826-1901) (Photo Wikimedia commons)

Diluvium Universale

Le Déluge universel

 

Oratorio de Giacomo Carissmi (1605-1674)

 

Ce compositeur très remarqué de la grande Ecole romaine de la période baroque fut parmi les premiers à composer des oratorios.

Ce genre musical s’apparente à l’opéra mais sans mise en scène, ni costume, ni décor. Il fut encouragé par l’ordre religieux des Oratoriens créé au 16° s. par Saint Philippe Néri. Les religieux se réunissaient en dehors des offices dans l’oratoire pour y lire et commenter des textes sacrés et chanter des polyphonies de courte durée. En cette période de contre-réforme, l’Eglise encourageait toutes formes d’art destinées à émouvoir les fidèles et stimuler leur foi.

La musique tient une part de plus en plus importante au sein des réunions oratoriennes. Les œuvres sont interprétées en deux parties, avant et après le sermon. Les oratorios font se succéder ouverture, récitatifs, arias, dialogues chantés entre solistes ou entre solistes et chœur, tous accompagnés par des instruments.

Carissimi s’illustra particulièrement dans ce genre de l’oratorio dont le plus célèbre qu’il ait composé est « Jephté ».

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Giacomo_Carissimi

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Oratorio

 

Diluvium Universale

La date de composition de cet oratorio est inconnue (« Jephté » date de 1648).

Il s’inspire bien sûr des textes de la Genèse évoquant le Déluge (Gn 5, 32. 6. 7. 8. 9)

Il fait entendre le dialogue entre le Créateur en colère contre une humanité qui le désespère et Noé qui s’efforce de la défendre. Dieu demande au patriarche de construire une arche pour servir de refuge à lui-même, son épouse, ses trois fils et leurs épouses, et une foule d’animaux dont il fallait préserver les espèces.

Les humains, voyant la montée des eaux, demandent grâce, ce qui déclenche des effets figuratifs dramatiques de la part du chœur. Dieu finit par se laisser attendrir et s’engage à ne plus provoquer ce genre de cataclysme à l’avenir en proposant une Alliance dont l’arc en ciel sera le signe dans un ciel dégagé des lourds nuages de la pluie.

 

Je ne peux malheureusement vous proposer le livret de cette œuvre somptueuse. Nous pouvons peut-être l’écouter avec sous les yeux le texte de la Genèse.

 

Deux enregistrements ont retenu mon attention sur You Tube :

  • Par l’Ensemble « La Capella Ducale », l’orchestre « Musica Fiata, dirigés par Roland Wilson :

https://www.youtube.com/watch?v=M3SNPKmbPFA&list=OLAK5uy_n_Yr6cMPXec70-bqY8NvkUINW8ErljUC4

 

  • Par l’Ensemble « Seicentonovecento », dirigé par Flavio Colusso. Cette version a l’avantage d’être proposée dans les différentes parties de l’œuvre et me paraît peut-être plus vivante que la précédente :

 

Ouverture - « Cum vidisset » :

https://www.youtube.com/watch?v=BVXMBvERj3A

 

Noe, Noe, ubi es? : https://www.youtube.com/watch?v=Nix3SqvrxJ8

            (Noé où es-tu ? : dialogue entre le Créateur et Noé)

 

Dirupti sunt ergo : https://www.youtube.com/watch?v=HGmq3FrWQKc

 

            Post dies vero : https://www.youtube.com/watch?v=sSWNS1qNdjU

 

            Polos sidereos : https://www.youtube.com/watch?v=KrCQBETqM2Q

Le déluge

Ci-dessus : " Montée dans l'arche de Noé " (1556) par Arelio Luini (1530-1593) (Photo Wikimedia commons)

Mosaïque de la Chapelle Palatine de Palerme (vers 1150) (Photo Wikimedia commons)

Mosaïque de la Chapelle Palatine de Palerme (vers 1150) (Photo Wikimedia commons)

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