Junia, une femme apôtre ...
Des abus de toutes sortes de la part de l’Eglise institutionnelle : les criminels bien sûr, dont elle doit maintenant rendre compte et auxquels elle doit maintenant mettre fin, et ceux aussi concernant l’interprétation des Ecritures, auxquels il lui faudra aussi mettre fin un jour.
Ici cet abus concerne le refus d’admettre au sacerdoce dit ministériel des femmes. Il y eut des femmes apôtres telle Junia (ou Junie) dont le nom a été transformé pour empêcher de croire qu’une femme pût être apôtre.
« Saluez Andronicos et Junias qui sont de ma parenté. Ils furent mes compagnons de captivité. Ce sont des apôtres bien connus ; ils ont même appartenu au Christ avant moi. » (Rm 16, 7 – traduction Bible liturgique publiée en 2013)
Ce passage est extrait de Rm (16,3-9 et 22-27) lu ce jour à la messe. Je vous livre le commentaire qu’en fait Roselyne Dupont-Roc **, bibliste, sur le numéro de novembre de « Prions en Eglise » (p. 45).
« Apôtres bien connus »
« On s’étonne encore parfois qu’Andronicos et Junia soient nommés apôtres ; preuve s’il en est besoin que le titre n’était pas réservé aux Douze et que Paul peut sans hésiter se l’appliquer à lui-même comme à d’autres envoyés. Car le terme désigne bien un chargé de mission et, dans les premiers temps du christianisme, ces itinérants qui annonçaient l’Evangile toujours plus loin. La traduction liturgique a malheureusement conservé ici le masculin « Junias » - un nom qui n’existe pas – invention ridicule des savants du XIX° siècle qui n’ont pas supporté qu’une femme soit dite apôtre ! Il s’agit très évidemment d’un couple de chrétiens, comme il y en a d’autres dans la liste, témoins d’un apostolat créatif qui inventait ses modalités en fonction des milieux. »
J’ajouterai que le nom féminin grec « Iounia » a son pendant masculin « Iounios » (cf. Dictionnaire Bailly) et ils ont leur équivalent en latin classique. L’astuce – malhonnêteté ! – a consisté à faire passer le grec « Iounia », nom féminin de la 1ère déclinaison, en « Iounias », mot masculin de la 1ère déclinaison inventé sur le modèle de « néanias » (jeune homme), la terminaison au cas accusatif employé ici « Iounian » étant semblable.
Saint Jean Chrysostome (344-407) considère aussi Junia (ou Junie) comme une apôtre de la première génération remontant au Christ :
« … Autre éloge maintenant : « Qui sont considérables entre les apôtres ». Or c'était certes déjà une assez grande gloire que d'être au rang des apôtres ; mais être parmi eux, considérables, essayez de comprendre tout ce qu'il y a là de glorieux ! Considérables, par leurs oeuvres, par leurs vertus. Ah ! quelle ne dut pas être la sagesse de cette femme, si elle fut jugée digne d'être mise au rang des apôtres ! Et Paul ne s'arrête pas encore là, il ajoute encore un autre titre : « Et qui ont été avant moi en Jésus-Christ ». C'était, en effet, là encore un éloge insigne, d'avoir pris son élan le premier, d'être arrivé avant les autres. Voyez cette âme sainte, comme elle est pure de toute vaine gloire ! Ce Paul qui a conquis une gloire si éclatante, et quelle espèce de gloire ! il met les autres au-dessus de lui-même, il ne veut pas qu'on ignore qu'il n'est venu qu'après eux, il ne rougit pas de cette confession … » (Saint Jean Chrysostome, Homélie XXXI sur l’épître de Paul aux Romains, n°2)
Junie pouvait donc appartenir, avec d’autres femmes également, aux Soixante-douze disciples envoyés (étymologie du mot apôtre d’ailleurs peu utilisé dans les évangiles) aussi par Jésus. On peut se reporter à mon article sur mon blog : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2020/02/les-soixante-dix-ou-soixante-douze-disciples-envoyes-par-jesus-en-luc-10-1.html
Andronicus et Junie sont d’ailleurs des saints fêtés le 17 mai.
** Roselyne Dupont-Roc, normalienne, est titulaire de l’agrégation de grammaire, d’une licence canonique en théologie, du Diplôme supérieur d’études bibliques et du Diplôme supérieur de l’École des langues et civilisations de l’Orient ancien. De 1987 à 2011, elle a enseigné le grec et l’exégèse du Nouveau Testament à la faculté de théologie de l’Institut catholique de Paris. Elle a notamment traduit avec Jean Lallot La Poétique d’Aristote.
Icône : Andronicus, Athanase de Christanopoulis et Junia.