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Les vêpres du dimanche – Psaume 111 (hb 112)

01 Alléluia ! Heureux qui craint Yhwh, amoureux de ses préceptes !

02 Sa lignée sera puissante sur la terre ; la race des justes est bénie.

03 Les richesses affluent dans sa maison : à jamais se maintiendra sa justice.

04 Lumière des coeurs droits, il s'est levé dans les ténèbres, homme de justice, de tendresse et de pitié.

05 L'homme de bien a pitié, il partage ; il mène ses affaires avec droiture.

06 Cet homme jamais ne tombera ; toujours on fera mémoire du juste.

07 Il ne craint pas l'annonce d'un malheur : le coeur ferme, il s'appuie sur le Seigneur.

08 Son coeur est confiant, il ne craint pas : il verra ce que valaient ses oppresseurs.

09 A pleines mains, il donne au pauvre ; à jamais se maintiendra sa justice, sa puissance grandira, et sa gloire !

10 L'impie le voit et s'irrite ; il grince des dents et se détruit. Le désir des impies se perdra.

 

(Traduction Bible liturgique avec des modifications tirées d’autres traductions – Vesco, Bible Bayard, Bible Osty, Bible de Jérusalem). Toutes les autres citations dans l’article sont tirées de la traduction de la Bible liturgique.

 

Photo d’entête : Psautier d’Endwine, portait du scribe d’Endwine, miniature sur parchemin (v. 1147), Trinity college (Cambridge). Le scribe copie amoureusement les Ecritures.

 

L’homme juste réussit sa vie

 

Le psaume 111 (hb 112) est le troisième des vêpres monastiques du dimanche. Nous avons étudié auparavant le premier, le psaume 109, qui inaugure « en fanfare » cette heure liturgique qui marque la fin de la journée avec un caractère messianique très affirmé. Le psaume 110 est une action de grâce qui célèbre la puissance (v. 6), la beauté (v. 3), la droiture (v. 8) et justice (v. 3, 7), la vérité (v. 7, 8), la permanence des œuvres de Yhwh qui apportent la délivrance à ceux qui ont l’intelligence de mettre en pratique les préceptes de l’alliance qu’elles révèlent.

Le Ps 110 conclut « La sagesse commence avec la crainte de Yhwh » (v. 10) et le Ps 111 enchaîne avec « Heureux qui craint Yhwh » (v. 1). Ces deux psaumes se complètent : Ps 110 chante les œuvres de Yhwh où le « Craignant Dieu » doit puiser la Sagesse, Ps 111 chante les œuvres du « Craignant Dieu » qui le hissent à la gloire divine (v. 9).

Comme Ps 110, Ps 111 débute par un alleluia et semble destiné également à un usage liturgique pour accompagner l’entrée dans le temple : le juste est invité à séjourner dans le lieu sacré, tente puis temple :

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? Qui habitera ta sainte montagne ?

Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son coeur. (Ps 14, 1-2 – cf. aussi Ps 23)

 

On trouve nombre de termes et d’images communes aux deux psaumes (cliquer pour ouvrir le fichier où les deux psaumes sont comparés en utilisant des couleurs) :

 

Réussir sa vie d’homme, c’est être éclairé de la gloire de Dieu (vv. 4.9) en s’associant à sa justice (vv. 2.3.4.6.9) et aux œuvres qui en découlent (vv. 5.9). Cette réussite, source de confiance face à l’adversité (vv. 6.7.8), déstabilise les impies qui ne craignent pas Dieu (v.10).

 

« L’amour du prochain est en chacun de nous une activité de Dieu lui-même qui opère au plus profond de notre être » (Père Stanislas Lyonnet cité par Jacquet, op. cit. t. III p. 251)

 

« Car moi, le Seigneur, je suis votre Dieu. Vous vous sanctifierez et vous serez saints car moi, je suis saint … Vous serez saints, car Je suis saint » (Lv 11, 44-45)

 

Liens vers les commentaires précédents :

Ps 109 : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2020/07/les-vepres-du-dimanche-psaume-109-hb-110.html

Ps 110 : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2021/10/les-vepres-du-dimanche-psaume-110-hb-111.html

 

 

Pour commenter ce psaume, j’ai choisi une traduction de la Bible liturgique remaniée. C’est la plus couramment utilisée pour le chant en français de ce psaume dans l’office des vêpres. Je donnerai pour chaque verset la traduction latine de la Nova Vulgata (NV), initiée par le Pape Paul VI après le concile Vatican II et promulguée en 1979 par le Pape Jean-Paul II. Elle diffère de la Vulgata Clementina (VC) en cours avant celle-ci et que je donnerai aussi car elle est maintenue dans certains monastères attachés à la liturgie traditionnelle. C’est aussi la Vulgata clementina que nous retrouvons dans les pièces grégoriennes et les œuvres polyphoniques anciennes.

 

Photo d’entête : Psautier d’Endwine, portait du scribe d’Endwine, miniature sur parchemin (v. 1147), Trinity college (Cambridge)

Beatus vir (ici initiale du Ps 1), The Ramsey Psalter (X° s.)

Beatus vir (ici initiale du Ps 1), The Ramsey Psalter (X° s.)

Compréhension

 

 

01 Alléluia ! Heureux qui craint Yhwh, amoureux de ses préceptes !

NV (Nova Vulgata) Beatus vir, qui timet Dominum, in mandatis eius cupit nimis.

VC (Vulgata Clementina) Beatus vir qui timet Dominum : in mandatis ejus volet nimis.

 

Il faut voir dans le terme « heureux » une dynamique qui invite à se rapprocher d’un idéal, on pourrait peut-être retenir comme traduction plus exacte « chemin de bonheur pour qui craint Yhwh », comme pour le psaume 1 qui débute aussi par cette forme littéraire de la béatitude :

Heureux (chemin de bonheur pour) l’homme qui ne suit pas les maximes des impies, qui ne prend pas le chemin des pécheurs, qui ne va pas se joindre au persiflage des malins. (Ps 1, 1) (cf. mon commentaire sur le Ps 1 : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2016/01/psaume-1-les-deux-voies.html )

Pour ce qui est de la notion de crainte de Yhwh on se rapportera au commentaire sur Ps 110, 10.

J’ai remplacé la traduction de la Bible liturgique « qui aime entièrement sa volonté » par « amoureux de ses préceptes ». Jacquet et Vesco signalent que le terme hébreu employé introduit une idée de plaisir, de désir comme par exemple Sichem qui désire Dinah, la fille de Jacob :

Le jeune homme ne tarda pas à réaliser ce qui avait été proposé, tant il désirait la fille de Jacob. (Gn 34, 19)

Ce désir amoureux des préceptes de Yhwh se retrouve aussi dans Ps 2, 2 :

… mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit

Ou 118, 20 :

Mon âme a brûlé de désir en tout temps pour tes préceptes.

 

 

02 Sa lignée sera puissante sur la terre ; la race des justes est bénie.

NV Potens in terra erit semen eius, generatio rectorum benedicetur.

VC Potens in terra erit semen ejus ; generatio rectorum benedicetur.

 

La bénédiction du Juste par Yhwh se traduit par la récompense d’une descendance importante. On se rappelle le désespoir de Sarah et Abraham de ne pas avoir de descendance :

Regardez Abraham votre père, et Sara qui vous a enfantés ; car il était seul quand je l’ai appelé, mais je l’ai béni et multiplié. (Is 51, 2)

Des fils, voilà ce que donne le Seigneur, des enfants, la récompense qu'il accorde ;

comme des flèches aux mains d'un guerrier, ainsi les fils de la jeunesse. (Ps 126, 3-4)

 

Avoir une descendance nombreuse, c’est évidemment à cette époque l’assurance d’être entouré dans ses vieux jours, mais aussi de partager avec elle la puissance :

Est-il un homme qui craigne le Seigneur ? Dieu lui montre le chemin qu'il doit prendre.

Son âme habitera le bonheur, ses descendants posséderont la terre. (Ps 24, 12-13)

 

 

03 Les richesses affluent dans sa maison : à jamais se maintiendra sa justice.

NV Gloria et divitiae in domo eius, et iustitia eius manet in saeculum saeculi.

VC Gloria et divitiæ in domo ejus, et justitia ejus manet in sæculum sæculi.

 

La puissance promise au Juste est gage de richesses. Bien loin encore d’être réservée à un au-delà, la récompense accordée est dès maintenant l’intelligence et la sagesse mais aussi l’attribution de richesses et de la gloire subséquente :

Je fais ce que tu as demandé : je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n’en a eu avant toi et que personne n’en aura après toi.

De plus, je te donne même ce que tu n’as pas demandé, la richesse et la gloire, si bien que pendant toute ta vie tu n’auras pas d’égal parmi les rois.

Et si tu suis mes chemins, en gardant mes décrets et mes commandements comme l’a fait David, ton père, je t’accorderai de longs jours. » (1 R 3, 12-14)

 

Ceux qui auront comparé Ps 110 et Ps 111 pourront avoir remarqué la même formule dans l’un et l’autre (également à la fin du verset 3) : A jamais se maintiendra sa justice.

J’avais déjà précisé dans mon commentaire sur Ps 110 ce qu’on pouvait comprendre par « justice » ; celle-ci est plutôt ici à considérer comme la conformité au droit, à l’ordre des choses voulu par Yhwh. Les justes sont ceux qui la suivent et se comportent en vérité avec Yhwh. Ici, celui qui craint Yhwh participe de fait à son Alliance éternelle qui repose sur la Justice :

Justice éternelle, tes exigences ; éclaire-moi, et je vivrai. (Ps 118, 144)

Mais l'amour du Seigneur, sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours, et sa justice pour les enfants de leurs enfants,

pour ceux qui gardent son alliance et se souviennent d'accomplir ses volontés. (Ps 102, 17-18)

 

 

04 Lumière des coeurs droits, il s'est levé dans les ténèbres, homme de justice, de tendresse et de pitié.

NV Exortum est in tenebris lumen rectis, misericors et miserator et iustus.

VC Exortum est in tenebris lumen rectis : misericors, et miserator, et justus.

 

Cette participation à l’Alliance de Justice de Yhwh fait participer l’homme à sa lumière :

Soyez attentifs, vous qui êtes mon peuple ; et vous, les nations, prêtez-moi l’oreille ! Car de moi sortira la loi, mon droit sera la lumière des peuples ! (Is 51, 4)

Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations. (Is 42, 6)

Si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. (Is 58, 10)

 

L’homme Juste, lumière des cœurs droits, se voit attribuer les qualités mêmes qui caractérisent Yhwh, devenant en quelque sorte miroir de Dieu ; Vesco signale que c’est le seul cas où « de justice, de tendresse et de pitié » qualifie un homme au lieu de Dieu (op. cit. p. 1071) :

Yhwh est tendresse et pitié (ps 110, 4)

Le Seigneur est justice et pitié, notre Dieu est tendresse. (Ps 114, 5)

Psaume 111 (1ère partie), Manuscrit de Solesmes (XV° s., Angleterre)

Psaume 111 (1ère partie), Manuscrit de Solesmes (XV° s., Angleterre)

05 L'homme de bien a pitié, il partage ; il mène ses affaires avec droiture.

NV Iucundus homo, qui miseretur et commodat, disponet res suas in iudicio.

VC Jucundus homo qui miseretur et commodat ; disponet sermones suos in judicio.

 

Ce verset développe le précédent : l’homme de bien, de tendresse et de pitié, partage. L’idée est plutôt ici, d’après les traductions de Vesco, Jacquet et d’autres, celle d’un prêt mais sans but de profit car le prêt à intérêt est interdit par la Loi :

Il prête son argent sans intérêt, n'accepte rien qui nuise à l'innocent. Qui fait ainsi demeure inébranlable. (Ps 14, 5)

Cela rejoint l’idée de droiture qui le distingue de l’impie :

L'impie emprunte et ne rend pas ; le juste a pitié : il donne.

Chaque jour il a pitié, il prête ; ses descendants seront bénis. (Ps 36, 21.26)

Au bout de sept ans, tu feras la remise des dettes. Voici comment se fera cette remise : tout possesseur d’une créance fera remise à son prochain de ce qu’il lui aura prêté ; il n’exercera pas de poursuite contre son prochain ou son frère, puisqu’on aura proclamé la remise des dettes en l’honneur du Seigneur … Garde-toi de tenir en ton cœur ces propos pervers : « Voici bientôt la septième année, l’année de la remise des dettes », en regardant méchamment ton frère malheureux sans rien lui donner ; il en appellerait au Seigneur contre toi, et tu serais chargé d’un péché ! (Dt 15, 1-2.9)

 

La divergence entre NV (disponet res suas : il mène ses affaires) et VC (disponet sermones suos : il mène ses paroles) résulte d’une lecture différente de l’hébreu (Jacquet, op. cit. p. 245)

 

 

06 Cet homme jamais ne tombera ; toujours on fera mémoire du juste.

NV Quia in aeternum non commovebitur. In memoria aeterna erit iustus

VC Quia in æternum non commovebitur. In memoria æterna erit justus ;

 

Jamais et toujours se renforcent, l’homme juste qui craint le Seigneur ne peut tomber car il participe à la justice même de Yhwh (v. 4 et Ps 110, 3).

La loi de son Dieu est dans son cœur ; il va, sans craindre les faux pas. (Ps 36, 31)

Tu m'as délivré de la mort et tu préserves mes pieds de la chute, pour que je marche à la face de Dieu dans la lumière des vivants. (Ps 55, 14)

 

De cet homme juste reflet de la lumière de Dieu (v. 4) il sera fait mémoire éternellement comme des merveilles de celui-ci : de ses merveilles il a laissé un mémorial (Ps 110, 4)

 

 

07 Il ne craint pas l'annonce d'un malheur : le coeur ferme, il s'appuie sur le Seigneur.

08 Son coeur est confiant, il ne craint pas : il verra ce que valaient ses oppresseurs.

NV Ab auditione mala non timebit. Paratum cor eius, sperans in Domino,

confirmatum est cor eius, non timebit, donec despiciat inimicos suos.

VC Ab auditione mala non timebit. Paratum cor ejus sperare in Domino,

confirmatum est cor ejus ; non commovebitur donec despiciat inimicos suos.

 

Le Juste n’a plus rien à craindre. Le psaume 90 (hb 91) est tout orienté sur la protection accordée par Yhwh au fidèle qui l’implore.

Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole au grand jour,

ni la peste qui rôde dans le noir, ni le fléau qui frappe à midi …

Il donne mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins.

Ils te porteront sur leurs mains pour que ton pied ne heurte les pierres. (Ps 90, 5-6 et  11-12)

Voir mon commentaire : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2016/02/psaume-90-sous-les-ailes-divines.html

Le cœur du Juste est ferme, confiant, il ne craint pas. Les termes et expressions sont redondantes. On remarquera les deux sens possibles du mot crainte : si la crainte peut représenter la peur des hommes face à toutes sortes de dangers, le même mot dans la bible désigne aussi celle qui accompagne l’approche du sacré (voir commentaire Ps 110, 10)

Les oppresseurs, les impies (v. 10), sont ceux qui en veulent à l’intégrité physique et morale du juste. L’idée est plutôt ici d’après Jacquet et Vesco que le Juste voit la défaite de ses adversaires, il peut même en jouir (Osty), les toiser (BJ, Jacquet).

La victoire sur les ennemis ne consiste pas forcément à les voir écrasés d’une façon ou d’une autre, c’est aussi la possibilité de pouvoir les toiser, d’avoir la tête haute, de pouvoir jouir de leur humiliation, car Dieu soutient le Juste et lui donne raison :

Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. (Ps 22, 5)

Qu'ils aient honte et qu'ils tremblent, tous mes ennemis, qu'ils reculent, soudain, couverts de honte ! (Ps 6, 11)

Accomplis un signe en ma faveur ; alors mes ennemis, humiliés, verront que toi, Seigneur, tu m'aides et me consoles. (Ps 85, 17)

 

 

09 A pleines mains, il donne au pauvre ; à jamais se maintiendra sa justice, sa puissance grandira, et sa gloire !

NV Distribuit, dedit pauperibus ; iustitia eius manet in saeculum saeculi, cornu eius exaltabitur in gloria.

VC Dispersit, dedit pauperibus ; justitia ejus manet in sæculum sæculi : cornu ejus exaltabitur in gloria.

 

L’abondance de biens, récompense du Juste (v. 3), lui permet de donner à pleines mains au pauvre. Sa Justice, devenue semblable à celle de Dieu, est donc promise à l’éternité et il partagera sa gloire (mot à mot : sa corne se haussera en gloire) :

[Le jeûne qui me plaît …] N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ?

Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. (Is 58, 7-8)

 

 

10 L'impie le voit et s'irrite ; il grince des dents et se détruit. Le désir des impies se perdra.

NV Peccator videbit et irascetur, dentibus suis fremet et tabescet. Desiderium peccatorum peribit.

VC Peccator videbit, et irascetur ; dentibus suis fremet et tabescet : desiderium peccatorum peribit.

 

Cette magnanimité (à pleines mains), cette magnificence du Juste (puissance, gloire) provoquent l’irritation de l’impie, celui qui ne craint pas Dieu. Le grincement de dents de l’impie exprime sa haine et sa colère (image fréquente : Jb 7, 9 ; Lm 2, 16 ; Ac 7, 54) :

L'impie peut intriguer contre le juste et grincer des dents contre lui,

le Seigneur se moque du méchant car il voit son jour qui arrive. (Ps 36, 12-13)

 

Les sentiments que lui inspire sa jalousie le détruiront. Son désir n’est pas orienté vers les préceptes de Yhwh comme celui du Juste qui craint le Seigneur. La mauvaise orientation de sa vie le voue à la mort. On sait maintenant combien des dispositions psychologiques négatives peuvent peser sur la santé des individus.

Ils sont tombés, les païens, dans la fosse qu'ils creusaient ; aux filets qu'ils ont tendus, leurs pieds se sont pris.

Le Seigneur s'est fait connaître : il a rendu le jugement, il prend les méchants à leur piège. (Ps 9A, 16-17)

 

Si le psaume 111 n’envisage pour lui qu’une félicité purement terrestre et que celle-ci peut se réduire à voir l’accroissement de ses biens matériels et l’impie jaloux de son bonheur "grincer des dents", nous avons vu que la conduite du Juste craignant Dieu, et comme lui tendresse et pitié, lui permet aussi de refléter la lumière et la gloire divine et devenir partie des merveilles données par Yhwh en mémorial (Ps 110, 4 et Ps 111, 6).

Cette vision chrétienne d’une éternité auprès de Dieu pour les Justes, est donc préfigurée dans ce psaume. Elle peut même être encore plus explicite dans d’autres psaumes :

Tu ne peux m'abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption.

Tu m'apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! A ta droite, éternité de délices ! (Ps 15, 10-11). Cf. aussi Ps 15, 10-11 ; 48, 15-16 ; 72, 23-28

 

Si les Béatitudes utilisent les termes concernant le bonheur terrestre c’est pour figurer les réalités du Royaume des cieux tout proche sur terre (le royaume des Cieux est tout proche - Mt 4, 17)

Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.

Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.

Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.

Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.

Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! (Mt 5, 3-12)

 

 

Bibliographie

 

-          Louis Jacquet, « Les psaumes et le cœur de l’homme », t. III, Ed. Deculot, 1979, pp. 241-254.

-          Jean-Luc Vesco, « Le psautier de David », t. II, Ed. Cerf, Coll. Lectio Divina, 2006, pp. 1068-1073.

-          Nouveau vocabulaire biblique, sous la direction de J.-P. Prévost, Ed. Bayard, 2004. (Abrév. NVB)

Psaume 111 (2ème partie), Manuscrit de Solesmes (XV° s. Angleterre)

Psaume 111 (2ème partie), Manuscrit de Solesmes (XV° s. Angleterre)

Méditation en forme d’échos

 

01 Alléluia ! Heureux qui craint Yhwh, amoureux de ses préceptes !

Heureuse l’âme de celui qui craint le Seigneur (Si 34, 17)

« Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » (Lc 11, 28)

Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui est écrit en elle, car le temps est proche. (Ap 1, 3)

Puis l’ange me dit : « Écris : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! » Il ajouta : « Ce sont les paroles véritables de Dieu. » (Ap 19, 9)

Voici que je viens sans tarder. Heureux celui qui garde les paroles de ce livre de prophétie. » (Ap 22, 7)

 

 

02 Sa lignée sera puissante sur la terre ; la race des justes est bénie.

03 Les richesses affluent dans sa maison : à jamais se maintiendra sa justice.

Heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies !

Tu te nourriras du travail de tes mains : Heureux es-tu ! A toi, le bonheur !

Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils, autour de la table, comme des plants d'olivier.

Voilà comment sera béni l'homme qui craint le Seigneur.

De Sion, que le Seigneur te bénisse ! Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie,

et tu verras les fils de tes fils. Paix sur Israël !

(Ps 127)

 

Pour Paul les richesses matérielles sont incertaines et c’est Dieu la vraie richesse :

Quant aux riches de ce monde, ordonne-leur de ne pas céder à l’orgueil. Qu’ils mettent leur espérance non pas dans des richesses incertaines, mais en Dieu qui nous procure tout en abondance pour que nous en profitions.

Qu’ils fassent du bien et deviennent riches du bien qu’ils font ; qu’ils donnent de bon cœur et sachent partager.

(1Ttm 6, 17-19)

 

Les richesses peuvent même être un obstacle :

Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » (Mc 10, 23)

 

 

04 Lumière des coeurs droits, il s'est levé dans les ténèbres, homme de justice, de tendresse et de pitié.

Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.

Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.

De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. (Mt 5, 14-16)

 

« Et de même, ô moines, qu’au dernier mois de la saison des pluies, le soleil, en s’élevant dans le ciel clair et sans nuages, écarte toutes les ténèbres de l’espace, et luit, et resplendit, et rayonne, et de même encore qu’à la fin de la nuit, l’étoile du matin luit, et resplendit, et rayonne ; de même ô moines, tous les moyens employés pour obtenir un mérite religieux n’ont pas la valeur d’un seizième de bienveillance. La bienveillance, délivrance du cœur, les absorbe : elle luit, et resplendit, et rayonne. »

(Extrait d’un poème boudhique cité par Jacquet, op. cit. p. 253)

 

 

05 L'homme de bien a pitié, il partage ; il mène ses affaires avec droiture.

Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ? Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi ! Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens. (Lc 12, 42-44)

 

 

06 Cet homme jamais ne tombera ; toujours on fera mémoire du juste.

Qui s'appuie sur le Seigneur ressemble au mont Sion : il est inébranlable, il demeure à jamais. (Ps 124, 1)

Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. (Mt 10, 29)

Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber. (1 Co 10, 12)

 

 

07 Il ne craint pas l'annonce d'un malheur : le cœur ferme, il s'appuie sur le Seigneur.

08 Son coeur est confiant, il ne craint pas : il verra ce que valaient ses oppresseurs.

Comment ne pas haïr tes ennemis, Seigneur, ne pas avoir en dégoût tes assaillants ?

Je les hais d'une haine parfaite, je les tiens pour mes propres ennemis. (Ps 138, 21-22)

Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.

Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. (Mt 5, 43-45)

 

 

09 A pleines mains, il donne au pauvre ; à jamais se maintiendra sa justice, sa puissance grandira, et sa gloire !

Rappelez-vous le proverbe : “À semer trop peu, on récolte trop peu ; à semer largement, on récolte largement”.

Que chacun donne comme il a décidé dans son cœur, sans regret et sans contrainte, car Dieu aime celui qui donne joyeusement.

Et Dieu est assez puissant pour vous donner toute grâce en abondance, afin que vous ayez, en toute chose et toujours, tout ce qu’il vous faut, et même que vous ayez en abondance de quoi faire toute sorte de bien.

L’Écriture dit en effet de l’homme juste : Il distribue, il donne aux pauvres ; sa justice demeure à jamais.

Dieu, qui fournit la semence au semeur et le pain pour la nourriture, vous fournira la graine ; il la multipliera, il donnera la croissance à ce que vous accomplirez dans la justice.

Il vous rendra riches en générosité de toute sorte, ce qui suscitera notre action de grâce envers Dieu. (2 Co 9, 6-11)

 

 

10 L'impie le voit et s'irrite ; il grince des dents et se détruit. Le désir des impies se perdra.

Tes ennemis seront couverts de honte, et les tentes des méchants disparaîtront. (Jb 8, 22)

Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra. (Ps 1, 6)

Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions.

Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien.

Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.

À plus forte raison, maintenant que le sang du Christ nous a fait devenir des justes, serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu.  (Rm 5, 6-9)

Beatus vir (ici initiale du Ps 1), Psautier de Saint Louis (milieu XIII° s.)

Beatus vir (ici initiale du Ps 1), Psautier de Saint Louis (milieu XIII° s.)

Méditation musicale (grégorienne …)

 

Psalmodie

3ème psaume des vêpres du dimanche et de certaines fêtes :

+ Grégorien : après l’antienne « In mandatis ejus cupit nimis » (Ps 111, 1), par les moines de Solesmes https://www.youtube.com/watch?v=h7DIrQ2zwW8

 

Par le chœur des Prémontrés de l’abbaye de Juaye Mondaye (psalmodié en français après une antienne) :

https://www.youtube.com/watch?v=tnFomFK_A70

En basque (Salmoa Bai Dohastua)  par les moines de Belloc et les Chorales Paroissiales de Saint Jean Pied de Port : https://www.youtube.com/watch?v=OEEjJvYFGCc

 

 

Grégorien

  • V. 1 : Alleluia Beatus vir qui timet, pour le commun des Saints
  • V. 1 et 3 : Trait Beatus vir qui timet, pour la fête de Saint Joseph : https://www.youtube.com/watch?v=wLiqeDz7O30
  • V. 1 et 2 : Graduel Beatus vir qui timet, pour le commun des martyrs : https://www.youtube.com/watch?v=Eq3hk4crA3U
  • V. 9 et 2 : Graduel Dispersit dedit pauperibus, pour le commun des Saints ou le 5ème dimanche du temps ordinaire (A) : https://www.youtube.com/watch?v=7u_ylMdqu_g
  • V. 9 : Alleluia Dispersit dedit pauperibus, pour le commun des Saints ou la semaine du 9ème dimanche du temps ordinaire (mardi de l’année A)
  • V. 9 et 1 : Introït Dispersit dedit pauperibus, pour le commun des Saints

Polyphonie

Le psaume 111 « Beatus vir qui timet » a été mis en musique par de nombreux compositeurs (paroles latines de la Vulgata Clementina) :

Thomas de Victoria : https://www.youtube.com/watch?v=CJ-iJ1T8pdA

Alleluia Beatus vir qui timet Dominum, Manuscrit Saint-Gall, Stifts bibliotek (cod. sang. 376, XI° s.)

Alleluia Beatus vir qui timet Dominum, Manuscrit Saint-Gall, Stifts bibliotek (cod. sang. 376, XI° s.)

Autres traductions

 

Traduction paraphrasée en vers de Pierre Corneille (1606-1684)

 

Cette traduction fait partie de l’ « Office de la Saint Vierge traduit en françois, tant en vers qu’en prose avec les sept psaumes pénitentiaux, les vêpres et complies du dimanche et tous les hymnes du bréviaire romain par Pierre Corneille (1670) »

 

Ce livre était destiné à ceux qui voulaient s’unir à la prière officielle (bréviaire) de l’Eglise. Il est dédicacé à la Reine Marie-Thérèse d’Autriche, mariée à Louis XIV en 1660, morte en 1683.

Les typographies des livres anciens ont leur charme. Aussi ai-je choisi de vous présenter cette traduction-paraphrase scannée à partir de l’ouvrage : Œuvres de Pierre Corneille, Les grands Ecrivains de la France, Tome IX, Librairie de L. Hachette et Cie ; Paris, 1862 ; pp. 307-309.

Les vêpres du dimanche – Psaume 111 (hb 112)
Les vêpres du dimanche – Psaume 111 (hb 112)
Beatus vir (ici initiale du Ps 1), Ludwig Psalter (IX° s.), Berlin Staatsbibilotek

Beatus vir (ici initiale du Ps 1), Ludwig Psalter (IX° s.), Berlin Staatsbibilotek

Traduction paraphrasée de Paul Claudel

 

Entre 1918 et 1953, Claudel composa un vaste ensemble de « Psaumes » traduits du latin de la Vulgate, dont seuls un petit nombre furent publiés de son vivant en trois minces recueils. S’il eut jamais le désir de réaliser un psautier complet, il ne parvint pas au bout de l’entreprise : alors que certains psaumes connaissent deux ou trois versions différentes au fil des années, d’autres semblent entièrement ignorés du poète … A la lettre du texte, il surimpose un contexte liturgique, des réalités chrétiennes, mais aussi ses propres préoccupations d’homme et de croyant. Le texte des psaumes en paraît profondément bouleversé, modernisé, parfois méconnaissable …

(extrait du site internet de la Société Paul Claudel : http://www.paul-claudel.net/book/psaumes )

 

Psaume 111 (Paris, 18/10/1947) de Paul Claudel (« Psaumes – Traductions 1918-1953 », Ed. Gallimard, 1966, éd. 2008 p. 217)

 

1 Heureux l’homme qui est sensible à Dieu et qui traduit dans son cœur chacune de Ses volontés.

2 La semence qu’il est aura puissance sur la terre, génération sera accordée à l’intention droite.

3 A lui la gloire et la richesse et cette justice avec lui qui est impuissante à passer.

4 J’ai compris qu’il s’est levé dans mes ténèbres une lumière, la justice dans l’attendrissement de mon cœur.

5 C’est bon d’être quelqu’un de bon et d’utile et de mettre ensemble la parole qu’il fallait.

6 Moi, moi, ô mon Dieu, bouger de Vous ? pas moi !

7 J’inscris quelque chose sur l’éternité et tout ce bruit est un bruit que je n’entends point.

  Chaque jour j’ai convié mon cœur à espérer.

8 Solidement amarré que je suis, je me ris du courant.

9 J’ai émietté le pain aux pauvres. J’ai tenu sur la Justice un œil fixe. J’ai élevé ma corne.

10 Le pécheur a vu ça et il grince des dents. Grince, grince, tant que tu voudras, grince de ces dents qui n’ont jamais appris à mâcher que la viande creuse !

 

Beatus vir (initiale du Ps 1), Gorleston Psalter, Bristish Library. L'arbre de Jessé est inscrit dans la lettrine B

Beatus vir (initiale du Ps 1), Gorleston Psalter, Bristish Library. L'arbre de Jessé est inscrit dans la lettrine B

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