Les vêpres du dimanche - Psaume 112 (hb 113)
01 Alléluia ! Louez, serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur !
02 Béni soit le nom du Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles !
03 Du levant au couchant du soleil, loué soit le nom du Seigneur !
04 Le Seigneur domine tous les peuples, au-dessus des cieux est sa gloire.
05 Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ? Lui, il siège là-haut.
06 Mais il se penche pour voir dans les cieux et sur la terre.
07 De la poussière il relève le faible, des ordures il hausse l’indigent.
08 pour qu'il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple.
09 Il installe en sa maison la femme stérile, heureuse mère au milieu de ses fils.
(Traduction Bible liturgique, sauf 4b, 6 et 7b d’après des traductions de Vesco, Jacquet, Osty).
Photo d’entête :
La Création d'Adam est l'une des neuf fresques inspirées du livre de la Genèse, peintes par Michel-Ange (1475-1564) sur la partie centrale de la voûte du plafond de la chapelle Sixtine. L’œuvre est particulièrement célèbre par le détail dans lequel l'index de Dieu, rejoignant celui d'Adam sans le toucher, donne vie à l'Homme. (Texte Wikipedia et photo Wikimedia commons)
Louange à Dieu qui, de plus haut que les cieux, se penche sur notre misère
Le psaume 112 (hb 113) est le quatrième des vêpres monastiques du dimanche.
Comme Ps 110 et Ps 111, Ps 112 débute par un alleluia qui semble le destiner également à un usage liturgique dès l’origine.
Il inaugure une série de six psaumes (Ps 112-117) qui constituent selon l’usage liturgique juif le Hallêl et qui étaient utilisés lors des grandes fêtes annuelles. Les PS 112-113 étaient chantés avant le repas pascal, les Ps 114-117 après celui-ci.
Nous avons étudié auparavant le premier, le psaume 109, qui inaugure « en fanfare » cette heure liturgique qui marque la fin de la journée avec un caractère messianique très affirmé. Le psaume 110 est une action de grâce qui célèbre la puissance (v. 6), la beauté (v. 3), la droiture (v. 8) et justice (v. 3, 7), la vérité (v. 7, 8), la permanence des œuvres de Yhwh qui apportent la délivrance à ceux qui ont l’intelligence de mettre en pratique les préceptes de l’alliance qu’elles révèlent.
Le Ps 110 conclut « La sagesse commence avec la crainte de Yhwh » (v. 10) et le Ps 111 enchaîne avec « Heureux qui craint Yhwh » (v. 1). Ces deux psaumes se complètent : Ps 110 chante les œuvres de Yhwh où le « Craignant Dieu » doit puiser la Sagesse, Ps 111 chante les œuvres du « Craignant Dieu » qui le hissent à la gloire divine (v. 9).
A la bénédiction du Juste (Ps 111, 2) fait écho celle du Nom divin (Ps 112, 2). Les œuvres de l’homme de bien le haussent à la gloire (Ps 111, 9) tandis que Dieu abaisse son regard du ciel vers la terre pour relever le faible et le pauvre (Ps 112, 6-7). On trouve aussi nombre d’images communes aux deux psaumes (cliquer pour ouvrir le fichier où les deux psaumes sont comparés en utilisant des couleurs) :
Comparatif entre Ps 111 et 112
Si la Création invite à la louange du Seigneur (v. 3), elle mène aussi à prendre conscience de sa transcendance (au-dessus des cieux est sa gloire, v. 4). Si Dieu est incomparable (v. 5) c’est qu’il siège là-haut mais il abaisse son regard vers le ciel et la terre (v. 6).
« Yhwh est à la fois un Dieu transcendant et un Dieu condescendant » (Vesco, p. 1077).
A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas,
qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme, que tu en prennes souci ? (Ps 8, 4-5)
La lecture christologique de ce psaume paraît évidente : « L’Incarnation est une descente continue du Verbe : c’est l’enfance, c’est la vie cachée, c’est la Croix, c’est l’Eucharistie … » (J. Vic, L’âme de toute vie contemplative, cité par Jacquet, t. 3 p. 262). Avec quelle ferveur Jésus a dû chanter ce psaume avant le dernier repas de la Pâque célébrée avec ses disciples !
Ferveur partagée bien avant par Marie dans son Magnificat (Lc 1, 46-55) qui s’inspire du cantique d’Anne dans le livre de Samuel (1 S 2, 1-10) et qui conclura peu après en action de grâces l’office des vêpres :
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. (Lc 1, 48. 52-53)
Liens vers les commentaires précédents :
Ps 109 : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2020/07/les-vepres-du-dimanche-psaume-109-hb-110.html
Ps 110 : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2021/10/les-vepres-du-dimanche-psaume-110-hb-111.html
Ps 111 : http://www.bible-parole-et-paroles.com/2021/11/les-vepres-du-dimanche-psaume-111-hb-112.html
Pour commenter ce psaume, j’ai choisi la traduction de la Bible liturgique qui est la plus couramment utilisée pour le chant en français de ce psaume dans l’office des vêpres mais que j’ai tout de même parfois modifiée (4b, 6 et 7b) pour donner toute leur force à certaines images. Toutes les autres citations dans l’article sont aussi tirées de la traduction de la Bible liturgique. Je donnerai pour chaque verset la traduction latine de la Nova Vulgata (NV), initiée par le Pape Paul VI après le concile Vatican II et promulguée en 1979 par le Pape Jean-Paul II. Elle diffère parfois de la Vulgata Clementina (VC) en cours avant celle-ci et que je donnerai aussi car elle est maintenue dans certains monastères attachés à la liturgie traditionnelle. C’est aussi la Vulgata clementina que nous retrouvons dans les pièces grégoriennes et les œuvres polyphoniques anciennes.
Compréhension
01 Alléluia ! Louez, serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur !
NV (Nova vulgata) ALLELUIA. Laudate, pueri Domini, laudate nomen Domini.
VC (Vulgata clementina) Laudate, pueri, Dominum ; laudate nomen Domini.
Il n’y a pas lieu ici de limiter l’appellation serviteurs aux lévites, serviteurs du temple, ou à la communauté liturgique.
L’hébreu ‘ébéd, employé 57 fois dans les psaumes, est traduit le plus souvent par le latin servus (doulos en grec) ou plus rarement (5 fois) puer (pais en grec) sans qu’on en saisisse une explication possible. En effet dans un contexte semblable au Ps 112, 1 on peut trouver l’emploi de servus :
Alleluja. Laudate nomen Domini ; laudate, servi, Dominum:
Alléluia ! Louez le nom du Seigneur, louez-le, serviteurs du Seigneur. (Ps 134, 1)
Dans les psaumes en particulier, serviteur a le sens d’une personne croyante, qui a la crainte de Dieu, respecte ses commandements, comme un serviteur dévoué à son maître. Puer peut avoir aussi le sens de serviteur, mais plutôt un jeune serviteur (puer signifie principalement enfant). Ici puer peut se comprendre dans un contexte christologique : les enfants de Dieu. La Vierge Marie est identifiée à la femme stérile, heureuse mère au milieu de ses fils, elle-même figure de l’Eglise Mère d’une foule d’enfants.
Le Nom objet de la louange, répété ici trois fois en 1-3, représente la Personne divine en son essence même et toutes ses manifestations à laquelle il est justement interdit de donner un nom. Dans les traductions usuelles chrétiennes Seigneur traduit le tétragramme YHWH.
02 Béni soit le nom du Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles !03 Du levant au couchant du soleil, loué soit le nom du Seigneur !
NV Sit nomen Domini benedictum ex hoc nunc et usque in saeculum.
A solis ortu usque ad occasum laudabile nomen Domini.
VC Sit nomen Domini benedictum ex hoc nunc et usque in sæculum.
A solis ortu usque ad occasum laudabile nomen Domini.
Bénédiction et louange se confondent :
Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. (Ps 33, 2)
Elles sont sans interruption, maintenant, du levant au couchant du soleil et pour les siècles des siècles à l’image de l’éternité transcendantale de Dieu.
04 Le Seigneur domine tous les peuples, au-dessus des cieux est sa gloire.
05 Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ? Lui, il siège là-haut.
NV Excelsus super omnes gentes Dominus, super caelos gloria eius.
Quis sicut Dominus Deus noster, qui in altis habitat
VC Excelsus super omnes gentes Dominus, et super cælos gloria ejus.
Quis sicut Dominus Deus noster, qui in altis habitat,
Dieu transcende toutes les créatures auxquelles il ne peut être comparé. Sa gloire le transporte là-haut, dans un ailleurs, au-dessus même des cieux. La Gloire évoque une puissance rayonnante qui laisse percevoir finalement ce Dieu si lointain.
06 Mais il se penche pour voir dans les cieux et sur la terre.
NV et se inclinat, ut respiciat in caelum et in terram?
VC et humilia respicit in cælo et in terra ?
Dieu si haut, mais si humain, se penche vers les cieux (sa gloire le place au-dessus, v.4) et vers ses créatures sur la terre.
" Dieu est infiniment au-delà de tout ; mais parce qu’il est infiniment tout ce qu’il est, il est aussi infiniment proche : sa proximité est infinie, comme est infinie sa distance ; celle-ci nous impressionne d’elle-même, mais à celle-là, si tacite et si constante, s’avisera-t-on jamais de penser ? "
(François Cassingéna-Trévedy, « Etincelles », tome 1 p. 84)
Dieu se penche : cet anthropomorphisme très expressif (choisi de préférence à abaisse son regard de la Bible liturgique) nous introduit au mystère de l’Incarnation. Dieu fait homme se penchera la veille de sa mort pour laver les pieds de ses disciples :
Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. (Jn 13, 3-5)
Retable de Leychert (Ariège), 17° siècle. Dieu émerge d’un fronton et se penche tendrement vers son Fils en croix, symbole de la Nouvelle alliance.
07 De la poussière il relève le faible, des ordures il hausse l’indigent.
08 pour qu'il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple.
NV Suscitans de terra inopem, de stercore erigens pauperem,
ut collocet eum cum principibus, cum principibus populi sui.
VC Suscitans a terra inopem, et de stercore erigens pauperem :
ut collocet eum cum principibus, cum principibus populi sui.
Dieu s’intéresse en priorité aux plus déshérités, ceux qui se tiennent sur les décharges aux portes des villages constituées des ordures en décomposition ou des cendres (poussière) encore fumantes de celles auxquelles on a mis le feu et qui les réchauffent un peu pendant la nuit.
Le terme latin terra de la Vulgate (calqué sur le grec de la Septante) est un euphémisme qui amoindrit la vigueur de l’image du psaume.
Tel était la situation de Job assis au milieu des cendres (Jb 2, 7-9) ou de ceux, punis, qui connaissent une déchéance sociale :
Les mangeurs de mets délicats dépérissent dans les rues ; ceux qui vivaient dans le luxe se retrouvent sur le fumier. (Lm 4, 5)
Jésus, Fils de Dieu, s’intéressera aussi prioritairement aux plus démunis.
Marie le proclame tout au long de son « Magnificat » (Lc 1, 46-55) :
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. (Lc 1, 45)
De la dernière place, le Seigneur fait passer les humbles à la première, parmi les princes, les nobles. Dieu renverse les conditions sociales.
Dieu livre au mépris les puissants, il les égare dans un chaos sans chemin.
Mais il relève le pauvre de sa misère ; il rend prospères familles et troupeaux. (Ps 106, 40-41)
09 Il installe en sa maison la femme stérile, heureuse mère au milieu de ses fils.
NV Qui habitare facit sterilem in domo, matrem filiorum laetantem.
VC Qui habitare facit sterilem in domo, matrem filiorum lætantem.
La stérilité était considérée comme une malédiction divine. La femme sans enfant était rejetée de la société. Anne subissait les vexations de Pennina :
Sa rivale cherchait, par des paroles blessantes, à la mettre en colère parce que le Seigneur l’avait rendue stérile.
Cela recommençait tous les ans, quand Anne montait au sanctuaire du Seigneur ; Peninna cherchait à la mettre en colère. (1 S 1, 6-7)
Mais Dieu veille à transformer cette stérilité en fécondité :
Les plus comblés s’embauchent pour du pain, et les affamés se reposent. Quand la stérile enfante sept fois, la femme aux fils nombreux dépérit. (1 S 2, 5)
La femme est réintégrée par le Seigneur dans la société (il installe en sa maison la femme stérile) et elle trouve le bonheur au milieu de ses fils :
Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils, autour de la table, comme des plants d'olivier. (Ps 127, 3)
Tel fut le destin de nombreuses femmes stériles dans la bible : Sara (Gn 21, 1-2), Rébecca (Gn 25, 21), Rachel (Gn 30, 22), la femme de Manoah (Jg 13, 24), Anne (1 S 1, 20).
Vierge de tendresse, Glycophilousa (« du doux baiser »), Icône de l’École crétoise, Vers 1500-1520, tempera et or sur bois, H. 38,5 x l. 27,2 cm, Petit-Palais, Paris.
Bibliographie
- Louis Jacquet, « Les psaumes et le cœur de l’homme », t. III, Ed. Deculot, 1979, pp. 255-263.
- Jean-Luc Vesco, « Le psautier de David », t. II, Ed. Cerf, Coll. Lectio Divina, 2006, pp. 1074-1079.
- "Nouveau vocabulaire biblique", sous la direction de J.-P. Prévost, Ed. Bayard, 2004. (Abrév. NVB)
Vitrail (XII° S.) de la cathédrale de Bourges. L’âme du pauvre Lazare, portée par les anges, (site http://cathedrale.gothique.free.fr/) est accueillie au ciel par le Christ. Au-dessus, la main de Dieu le Père bénit la scène.
Méditation en forme d’échos
01 Alléluia ! Louez, serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur !
02 Béni soit le nom du Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles !
03 Du levant au couchant du soleil, loué soit le nom du Seigneur !
Chantez au Seigneur un chant nouveau, louez-le des extrémités de la terre (Is 42, 10)
Ta louange, comme ton nom, couvre l'étendue de la terre. (Ps 47, 11)
Car du levant au couchant du soleil, mon nom est grand parmi les nations. (Ml 1, 11)
Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l'ouvrage de ses mains.
Le jour au jour en livre le récit et la nuit à la nuit en donne connaissance.
Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s'entende ;
mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle, aux limites du monde. Là, se trouve la demeure du soleil :
tel un époux, il paraît hors de sa tente, il s'élance en conquérant joyeux.
Il paraît où commence le ciel, il s'en va jusqu'où le ciel s'achève : rien n'échappe à son ardeur. (Ps 18, 2-7)
" C’est Vous, c’est moi, je Vous loue, je Vous bénis, je Vous glorifie, je Vous aime,
Je Vous rends grâce, Seigneur, non pas à cause de moi, mais à cause de Vous-même !
Et non pas seulement parce que Vous êtes nécessaire, mais parce que c’est beau
D’être dans cet iris autour de l’immense dépliement de Votre soleil moi-même cette parcelle de feu et d’eau ! "
(Paul Claudel, Bréviaire poétique, La Messe là-bas, Gloria, Ed. Poésie/Gallimard, 1962, p. 27)
04 Le Seigneur domine tous les peuples, au-dessus des cieux est sa gloire.
05 Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ? Lui, il siège là-haut.
Vraiment tu es un Dieu qui se tient caché, toi qui procures le salut, Dieu d’Israël ! (Is 45, 15)
Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.
Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. (Is 60, 1-2)
" Louange à la Trinité, mère de cette vibration sonore vitale au cœur même de tout ce qui vit. Elle est louange de la milice angélique et admirable éclat des choses cachées ignorées des hommes ; et c’est elle le principe vital de tout. "
Laus Trinitati, quae sonus et vita ac creatrix omnium in vita ipsorum est. Et quae laus angelicae turbae et mirus splendor arcanorum quae hominibus ignota sunt, est, et quae in omnibus vita est.
(Sainte Hildegarde de Bingen, Symphonie des harmonies célestes, Laus Trinitati)
on peut écouter ce chant composé par Hildegarde de Bingen :
- Par une soliste
https://www.youtube.com/watch?v=jqJozx1zx0I
- Par un chœur de femmes avec instruments :
https://www.youtube.com/watch?v=UeQ5jIcbyAE
" Ah ! Qui donc, le premier, a tâché de cerner Dieu et de l’enfermer dans un dogme ? d’en faire l’objet d’une histoire avec un commencement et une fin ? C’est avant le commencement, c’est après la fin qu’Il est. Seul.
Mais dans les « Vérités révélées », dans les dogmes, Il est aussi.
Ce sont des miroirs où nous Le saisissons par fragments de lumière.
Il y est. Mais Il est bien plus encore dans toutes les idées de Lui que nous n’avons pas, dans les Vérités irrévélées, dans les lumières hors de nos yeux et des yeux des Anges eux-mêmes. "
Marie Noël, Notes intimes, 1920 … 1933, Ed. Stock, 1959, p. 76)
06 Mais il se penche pour voir dans les cieux et sur la terre.
" Exerçons-nous à satiété sur cette vérité fondamentale, jusqu’à ce qu’elle nous devienne aussi familière que la perception du relief ou la lecture des mots. Dieu, dans ce qu’il a de plus vivant et de plus incarné, n’est pas loin de nous, hors de la sphère tangible ; mais il nous attend à chaque instant dans l’action, dans l’œuvre du moment. "
(Pierre Teilhard de Chardin, « Hymne de l’Univers », « Pensées », « Présence de Dieu au monde » n° 9, Ed. Seuil, Points Sagesses, 1961, p.135)
" Le Fils de Dieu est la Splendeur de la Gloire du Père et la figure de sa substance (Hb 1, 3).
Or il faut savoir que Dieu a regardé toutes choses par la Figure de son Fils et que par là il leur a donné l’être, la beauté et les dons naturels qui les rendent achevées et parfaites, ainsi qu’il est dit dans la Genèse :
« Dieu vit toutes les choses qu’il avait faites et elles étaient très bonnes » (Gn 1, 31).
Il éleva alors l’homme en la beauté de Dieu, et par l’homme, toutes les créatures, parce qu’il s’unit en l’homme à tout ce qu’elles ont par leur nature de commun avec lui …
Blessée d’amour par ce vestige de la beauté de son Bien-Aimé qu’elle aperçoit dans les créatures, l’âme, dans le désir de contempler cette beauté invisible qu’a fait naître en elle la beauté visible, prononce :
Ah ! Qui pourra me guérir !
Achève enfin de te donner ! "
(Saint Jean de la Croix, Cantique spirituel B, 5, 4)
07 De la poussière il relève le faible, des ordures il hausse l’indigent.
08 pour qu'il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour. (Lc 1, 54)
Ce relèvement est celui même d’Israël, son serviteur, délivré de sa captivité :
Secoue ta poussière ! Debout, Jérusalem, ô captive ! Dénoue les liens de ton cou, ô captive, fille de Sion ! (Is 52, 2)
Mes frères, dans votre foi en Jésus Christ, notre Seigneur de gloire, n’ayez aucune partialité envers les personnes.
Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or, et un pauvre au vêtement sale.
Vous tournez vos regards vers celui qui porte le vêtement rutilant et vous lui dites : « Assieds-toi ici, en bonne place » ; et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout », ou bien : « Assieds-toi au bas de mon marchepied ».
Cela, n’est-ce pas faire des différences entre vous, et juger selon de faux critères ?
Écoutez donc, mes frères bien-aimés ! Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé ? (Jc 2, 1-5)
« La gloire de Dieu c’est l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est de contempler Dieu » (Saint Irénée, deuxième évêque de Lyon entre 177 et 202).
La gloire de Dieu n’est pas une qualité abstraite, elle s’enracine dans l’homme vivant (debout) appelée à la partager.
09 Il installe en sa maison la femme stérile, heureuse mère au milieu de ses fils.
A Jérusalem, femme de sa jeunesse un moment abandonnée, le Seigneur, son époux, promet aussi une postérité :
Crie de joie, femme stérile, toi qui n’as pas enfanté ; jubile, éclate en cris de joie, toi qui n’as pas connu les douleurs ! Car les fils de la délaissée seront plus nombreux que les fils de l’épouse, – dit le Seigneur.
Élargis l’espace de ta tente, déploie sans hésiter la toile de ta demeure, allonge tes cordages, renforce tes piquets !
Car tu vas te répandre au nord et au midi. Ta descendance dépossédera les nations, elle peuplera des villes désertées.
Ne crains pas, tu ne connaîtras plus la honte ; ne tiens pas compte des outrages, tu n’auras plus à rougir, tu oublieras la honte de ta jeunesse, tu ne te rappelleras plus le déshonneur de ton veuvage.
Car ton époux, c’est Celui qui t’a faite, son nom est « Le Seigneur de l’univers ». Ton rédempteur, c’est le Saint d’Israël, il s’appelle « Dieu de toute la terre ».
Oui, comme une femme abandonnée, accablée, le Seigneur te rappelle. Est-ce que l’on rejette la femme de sa jeunesse ? – dit ton Dieu.
Un court instant, je t’avais abandonnée, mais dans ma grande tendresse, je te ramènerai.
Quand ma colère a débordé, un instant, je t’avais caché ma face. Mais dans mon éternelle fidélité, je te montre ma tendresse, – dit le Seigneur, ton rédempteur. (Is 54, 1-8)
La Jérusalem d’Israël préfigure l’Eglise, Jérusalem nouvelle :
Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. (Ap 21, 2)
Eglise qui verra naître les enfants de la promesse à l’image d’Isaac, enfant de la femme libre (Ga 4, 22-31) :
Et vous, frères, vous êtes, comme Isaac, des enfants de la promesse. (Ga 4, 28)
Le Dieu au-delà de toutes nos conceptions, sans visage, sans nom, mais glorieusement lumineux, se penche d’un lieu improbable plus haut que tout, sur les êtres les plus démunis, sur ce qu’il y a de plus misérable en nous, en toute discrétion, pour relever, pour rendre fécond ce qui sans lui resterait stérile. De lui nous ne cessons de renaître participant sans fin à sa Création.
" Dieu n’est pas l’Etre, seulement ; non, Il n’est pas l’Etre achevé d’imprimer. Il est, non l’Etre suprême, mais le Naître suprême, le Naître subsistant. Il est éternellement en Train de naître, et vraiment c’est là grand Train, grand Train de Vie ! Il n’est pas seulement le Nouveau-né, mais l’éternel Nouveau-naissant. Et nous, à notre tour, nous avons en Lui notre perpétuel acte de naissance, lequel, certifiant que nous sommes bien en Vie, constitue par là notre seule pièce d’identité. "
(François Cassingéna-Trévedy, « Etincelles », tome 1 p. 121)
Tapisserie de l’Apocalypse (XIV° s.), Angers. (Photo Wikimedia commons) « Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. » (Ap 21, 2)
Méditation musicale (grégorienne …)
Psalmodie
4ème psaume des vêpres du dimanche et de certaines fêtes dans la liturgie monastique :
+ Grégorien : après l’antienne « Sit nomen Domini benedictum in saecula » (Ps 112, 2), par les moines de Solesmes :
https://www.youtube.com/watch?v=qxjI5ugyrc0
+ En français :
- Schola des moines de l'Abbaye de Sénanque
https://www.youtube.com/watch?v=WvjzMGWbOMc
- Maîtrise de Notre-Dame de Paris
https://www.youtube.com/watch?v=yhEEAm8rAqo
- Chœur des frères de l’abbaye de Mondaye
https://www.youtube.com/watch?v=EqgBGhBjTlM
- Chœur des moines bénédictins de Keur Moussa (Sénégal)
https://www.youtube.com/watch?v=oqekPAcmZgc
Grégorien
V.1 : Alleluia Laudate pueri, messe des Saints Innocents et du samedi après Pâques :
https://www.youtube.com/watch?v=o-UKW4N0Egs
V. 1, 9 et 2 : Introït Laudate pueri, messe du Commun des Saints pour les éducateurs.
V. 5,6 et 7 : Graduel Quis sicut Dominus, messe du 4ème dimanche du temps ordinaire :
https://www.youtube.com/watch?v=F3wjXvgfvhs
Polyphonie
Le psaume Laudate pueri Dominum a été mis en musique par de nombreux compositeurs.
- Adriaen Willaert (env.1490-1562)
https://www.youtube.com/watch?v=FmTvZ2Q0WoE
- Haendel :
https://www.youtube.com/watch?v=Vv2KUgSMBQs
- Vivaldi :
https://www.youtube.com/watch?v=1biANqJHgWo
- Monteverdi :
https://www.youtube.com/watch?v=G6pZMZdimTE
- François Couperin :
https://www.youtube.com/watch?v=m_UCwwQ_gDg
- Mendelssohn (par la maîtrise de Radio-France) :
https://www.youtube.com/watch?v=-ZbpO69rQXI
- Levente Gyöngyösi (contemporain)
Luca della Robia (1431-143, Enfants chanteurs, panneau de la cantoria (tribune des chantres) de la cathédrale de Florence. Musée de l'Œuvre du Dôme. (photo Wikimedia commons)
Autre traduction
Traduction paraphrasée en vers de Pierre Corneille (1606-1684)
Cette traduction fait partie de l’ « Office de la Saint Vierge traduit en françois, tant en vers qu’en prose avec les sept psaumes pénitentiaux, les vêpres et complies du dimanche et tous les hymnes du bréviaire romain par Pierre Corneille (1670) »
Ce livre était destiné à ceux qui voulaient s’unir à la prière officielle (bréviaire) de l’Eglise. Il est dédicacé à la Reine Marie-Thérèse d’Autriche, mariée à Louis XIV en 1660, morte en 1683.
Les typographies des livres anciens ont leur charme. Aussi ai-je choisi de vous présenter cette traduction-paraphrase scannée à partir de l’ouvrage : Œuvres de Pierre Corneille, Les grands Ecrivains de la France, Tome IX, Librairie de L. Hachette et Cie ; Paris, 1862 ; pp. 213-216.