Il élève les humbles
« Une voix crie dans le désert :
préparez le chemin du Seigneur, redressez ses sentiers,
chaque ravin sera comblé, chaque montagne et chaque colline seront rasées,
Ce qui est tordu deviendra droit, ce qui est escarpé sera aplani ; et chacun verra la délivrance de Dieu »
Evangile de Luc 3 4-5
De l’orgueil abaissé à l’humilité exaltée
Dans l’article précédent « l’orgueil abaissé », je citais un extrait d’Isaïe (2 11-12). Pressé de le partager avec vous, Je n’en donnais pas aussitôt de commentaire puis, finalement, je le laissais à votre méditation sans intervention de ma part. Ce passage d’Isaïe vous aura peut-être inspiré des réflexions proches des miennes ? J’en suis venu personnellement aujourd’hui à cette démarche plus positive d’exalter l’humilité. Les paroles de Jean le Baptiste citées au début de l’article et empruntées aussi au prophète Isaïe initieront notre démarche.
L’humilité de Jean le Baptiste
Jean le Baptiste est la personnification même de l’humilité : vêtu très sommairement, vivant du peu de nourriture qu’il trouvait dans le désert, il déclarait n’être ni prophète, ni messie, mais seulement une voix qui crie dans le désert. Il s’efface complètement derrière un message qui n’est pas le sien mais qui constitue toute sa raison d’exister et d’agir. Cette voix incite à préparer le chemin du Seigneur : « chaque montagne et chaque colline seront rasées » (Lc 3 5) à rapprocher bien sûr du passage cité dans l’article précédent : «il y aura un jour pour le Seigneur, le tout puissant, contre tout ce qui est fier, hautain, altier et qui sera abaissé » (Is 2 12).
« Les scribes et les Séparés (pharisiens) ont pris place sur le siège de Moïse. »
« Que le plus grand parmi vous soit votre serviteur. Car le haussé sera abaissé. Et l’abaissé sera haussé »
Evangile de Matthieu 23 2 et 11-12
Jésus aime les humbles
... tout le contraire des scribes et pharisiens contre l’orgueil desquels il vitupère dans tout ce chapitre 23 de Matthieu, comme d’ailleurs Jean le Baptiste le faisait aussi. Voilà bien le problème : ils ne sont pas comme Jean le Baptiste « une voix », ils « ont pris place sur le siège de Moïse ». En se prenant pour Moïse, du haut de cette assise que leur permet une telle référence, ils s’interposent et s’imposent par leur orgueil comme des montagnes ou des collines qui barrent le chemin :
« Prenez garde, comédiens ! Scribes et Séparés ! Vous fermez le règne des Cieux au genre humain. Vous n’y entrez pas, et vous empêchez d’entrer ceux qui le voudraient ». Evangile de Matthieu 23 13
La base de l’orgueil
C’est imposer sa personne, ses vues, son comportement, en niant à l’autre sa capacité et son droit à vivre avec sa personnalité et ses aspirations propres. Oui, plutôt se jouer cette comédie d’exister vraiment à soi-même et l’imposer aux autres, plutôt que penser être comme eux, nus devant cette angoisse existentielle de tout être humain. A cette remarque d’une personne concernant les flatteries de Monsieur le Président … d’une petite association de village, celui-ci répondit : « j’aime flatter car j’aime aussi beaucoup qu’on me flatte ». Cette personne impose sa comédie aux autres dans le simple but d’exister à ses propres yeux. Pressentant sa propre vacuité, l’orgueilleux craint la vérité, la sienne et surtout celle des autres, voilà bien ce que redoutent les « Grands de ce monde » :
« Hérode, en effet, avait fait arrêter et enchaîner Jean en prison à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : - Il ne t’est pas permis de prendre la femme de ton frère ! Hérodiade était acharnée contre lui. Elle aurait voulu le tuer mais ne le pouvait pas car Hérode, sachant que Jean était un homme juste et saint, le craignait et le ménageait. Plus il l’écoutait, plus il était mal à l’aise, mais il aimait quand même l’écouter ».
Evangile de Marc 6 17-20
La justice et la sainteté de l’humble
Elles mettent mal à l’aise car elles interrogent, mettent de la lumière là où l’ombre est si bienvenue. L’acharnement dans l’orgueil mène au meurtre de l’autre. Une seule solution : le retournement, l’immersion dans la Vérité ; ils permettent d’aplanir les montagnes et les collines de l’orgueil qui barrent la route vers le royaume (Marc 1 1-4).
« Lorsque les messagers de Jean sont partis, Jésus s’adresse aux foules et leur parle de Jean : Qu’êtes-vous allés regarder dans le désert ? Un roseau agité par le vent ? Mais qu’êtes-vous allés voir ? Un homme habillé avec élégance ? Ceux qui portent des habits splendides et vivent dans le luxe se trouvent dans les demeures royales. Mais qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous l’affirme, et plus qu’un prophète. Il est celui dont il a été écrit : ‘’Voici, je t’envoie mon messager. Il préparera le chemin devant toi. ‘’ Je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, personne n’est plus grand que Jean. Pourtant le plus petit dans le royaume est plus grand que lui. »
Evangile de Luc 7 24
Quelle vérité voulons-nous voir ?
Quelque vérité ballotée au gré de vents capricieux ? Quelque vérité enjolivée de l’élégance d’habits splendides de conformismes « royaux » ? Quelque vérité proclamée par un gourou ? Ou la vérité d’un grand prophète missionné par la Parole ? Cependant nous dit Jésus, dans le Royaume de Dieu qui se construit, le plus petit est encore plus grand que lui !
Quelle que soit la sainteté de la mission dont nous sommes ou nous nous sentons investis, quels que soient nos efforts, nos réalisations pour aplanir le chemin du Seigneur qui vient, nous sommes plus petits que le plus petit, le serviteur dont on peut se passer :
« Vous aussi, lorsque vous obéissez à tous les commandements, dites : ‘’Nous sommes des serviteurs ordinaires, nous n’avons fait que ce que nous devions faire’’. »
Evangile de Luc 17 10
Jean le Baptiste n’était pas dupe du danger de la boursoufflure d’orgueil qui guette celui qui est investi d’une mission :
« Jean répondit : Un homme ne peut rien s’attribuer qui ne lui ait été donné par le ciel. Vous-mêmes êtes témoins que j’ai dit : ‘’je ne suis pas le Christ, moi je ne suis qu’un envoyé devant lui.’’ Au mari la mariée, au témoin la joie d’être là et d’entendre la joie du marié. Cette joie-là est la mienne. Il faut qu’il grandisse et que je diminue. Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tout ».
Evangile de Jean 3 27-31
Fallait-il une Eglise boursouflée de la montagne d’orgueil de ses certitudes pour massacrer ceux qui ne partageaient pas sa foi !
Faut-il encore des « gens d’Eglise » qui se croient installés sur le « siège de Moïse » (Mt 23 2) ou de Jésus, pour juger que certaines personnes sont indignes de recevoir le corps de Celui qui met sa joie à retrouver la brebis perdue (Luc 15 6) !
Faut-il que nous soyons boursouflés de la montagne d’orgueil d’être « bien nés » dans le bon endroit, la bonne famille … pour ignorer Lazare devant notre porte (Luc 16 19-31) !
Faut-il peut-être aussi que je présume de mes capacités pour oser vous proposer ces quelques paroles sur la Parole !
Faudra-t-il qu’il s’estime « bien né » dans la famille des disciples de Jésus celui qui méprisera les deux modestes "piécettes" que j’apporte au trésor du Temple de sa Parole !
« Baptême de Jésus – Celui qu’il reçoit, celui qu’il donne, celui qu’il retire. Lorsque l’Agneau vint se désaltérer dans le Jourdain, influençant par là toutes les eaux courantes, Jean tout aussitôt se tarit et l’eau cessa de lui couler des mains. Mais sa joie n’avait jamais été aussi parfaite qu’en cette sècheresse consentie qu’il attendait depuis le commencement. Car aussi longtemps que l’on ne tarit point tout à fait à soi-même, l’Autre ne peut jaillir ».
François Cassingéna-Trévedy, moine de Ligugé, Etincelles II, p. 153, Ed. Ad Solem, 2007
« Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais, tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras
il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes,
il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur,
il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères,
en faveur d’Abraham et de sa race à jamais
Evangile de Luc 1 46-55 (traduction liturgique)
Note : Toutes les autres traductions sont de la bible Bayard
Le texte du "Magnificat" de Marie proposé ci-dessus a été souvent mis en musique. Celui composé par J.-S. Bach est un des plus célèbres. Retrouvez cette œuvre dirigée par Harnoncourt en suivant ce lien :