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Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle. Les choses anciennes ont passé, les choses nouvelles sont là. Tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par l’intermédiaire de Christ et qui nous a donné le service de la réconciliation. Comme il est dit : c’est Dieu en Christ qui réconciliait le cosmos avec lui-même, et ne comptait les transgressions de personne. Il a institué en nous le langage de la réconciliation.

2ème épître de Paul aux Corinthiens 5,17-19 (Trad. Bible Bayard)

Ce confessionnal est situé dans l'église Notre Dame du Taur à Toulouse ; comme dans de nombreuses églises, il est maintenant encombré de bancs qui en interdisent l'accès. Ce genre de mobilier pénitentiel n'est plus guère employé à l'heure actuelle, d'abord à cause du peu de personnes qui se confessent et ensuite parce que celles qui le font préfèrent un tête à tête avec le prêtre dans un local plus convivial.

Confession, sacrement de pénitence, de la réconciliation ... plusieurs termes désignent ce sacrement institué par l'Eglise.

Nous étudierons quelle est l'origine de ce sacrement, quel est son objet, comment donner un éclairage nouveau au "Service de la réconciliation" grâce à une lecture des textes bibliques sans préjugés.

 

Mettant fin à de longues controverses, le Concile de Lyon en 1274 fixe enfin le nombre de sacrements à sept. C’est principalement le Concile de Trente, au 16ème siècle qui précisera leur théologie et leur donnera la physionomie qu’ils ont aujourd’hui, même si le Concile Vatican II en a renouvelé l’esprit et modifié des détails dans leur célébration.

Dans les premiers siècles de l’Eglise, seuls les péchés graves commis après le baptême étaient concernés. Ils étaient avoués d’abord à l’évêque puis confessés en public. Le pécheur pouvait se voir exclu de la communauté ecclésiale un temps assez long et devait effectuer une pénitence publique. Au 7ème siècle, les missionnaires irlandais apportèrent sur le continent européen une tradition monastique orientale écartant l’aveu et la pénitence publique. Le sacrement se réalise désormais en secret entre le pénitent et le prêtre favorisant une pratique plus fréquente où se mêle l’aveu des péchés graves et véniels. C’est cette forme qui a survécu.

Suivant l’accent donné au sacrement, il peut s’appeler sacrement de la conversion (retour à Dieu), sacrement de pénitence (repentir), confession (aveu des péchés), sacrement du pardon (par l’absolution du prêtre Dieu accorde le pardon), sacrement de la réconciliation, terme consacré par le concile Vatican II qui voulait appuyer sur la réconciliation avec Dieu et sur la dimension ecclésiale (d’où la promotion de célébrations collectives).

Ces accents différents révèlent en fait des ambiguïtés, en particulier dans l’enracinement de ce sacrement dans le Nouveau Testament.

 

Au bout de quelques jours, il revint à Capharnaüm et le bruit courut qu’il était à la maison. Les gens s’attroupèrent, si nombreux qu’il n’y avait même plus de place près de la porte.

Et il leur annonçait la Parole.

On lui amena u n paralytique, porté par quatre hommes. Comme la foule empêchait de l’atteindre, ils découvrirent le toit au-dessus de lui et, par le trou, laissèrent glisser le brancard sur lequel était couché le paralytique.

Devant leur confiance, Jésus dit au paralytique :

- Petit, tes fautes sont effacées.

Quelques lettrés, assis, ruminaient en leur for intérieur : « De quel droit cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut effacer les fautes, sinon Dieu, le seul Dieu ? » Lisant dans leurs pensées, Jésus leur dit :

-Pourquoi ruminez-vous ainsi ? Qu’est-ce-qui est plus facile ? Dire à ce paralytique « tes fautes sont effacées » ou lui dire « dresse-toi, prends ton brancard et marche » ? Eh bien, pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour effacer les fautes sur la terre (s’adressant au paralytique), je te dis : « Dresse-toi, prends ton brancard et rentre chez toi. »

Alors l’homme se dressa, prit son brancard et sortit devant tout le monde, si bien que tous étaient sidérés et glorifiaient Dieu et disaient : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. »

Evangile de Marc 2, 1-12

 

C’est la confiance, la foi, qui sauve. Elle permet de se hisser jusqu’au pardon. Par le désir d’accéder à la Parole de vérité nous passons de notre subjectivité à l’objectivité de la Loi d’amour, de nos ténèbres à la lumière. Notre culpabilité subjective, quelquefois un vague sentiment, contient du faux et du vrai. Seul Dieu peut définir la culpabilité objective dans la vérité de sa justice. La Loi est très importante pour nous aider à définir des critères d’objectivité, la « bonne cible ». Ce discernement nous guérit de l’aveuglement de notre subjectivité. Encore devons-nous nous reconnaître aveugles.

 

Apprenant qu’ils l’ont expulsé (l’aveugle-né) Jésus le retrouve et demande : fais-tu confiance, toi, au Fils de l’homme ?  Dis-moi, seigneur, qui c’est, répond-il, et je lui fais confiance. Tu le vois, dit Jésus, il est en train de te parler. – Oui Seigneur, je te fais confiance,

dit l’homme en l’adorant.

 Je suis venu dans ce monde, dit Jésus, exercer la justice. Pour que les aveugles voient et

que les voyants deviennent aveugles

Ayant entendu ces paroles, des pharisiens qui se trouvaient là ont demandé :

Et nous, on est aveugles ? – Si vous l’étiez, dit Jésus, vous ne seriez pas coupables.

Mais votre péché persiste parce que vous dites y voir clair. »

Evangile de Jean 9, 35-41

 

C’est la confiance, la foi, qui guérit de l’aveuglement. Elle demande la disponibilité intérieure pour reconnaître le Fils de l’homme qui se présente à nous et l’adorer.

La Loi ne suffit pas pour y voir clair. Le péché des pharisiens est de se conformer à la Loi dans la simple objectivité de la lettre sans la reconnaissance de leur aveuglement congénital et la disponibilité à recevoir la guérison que confère une foi sincère et ouverte au Fils de l’Homme.

Ce ministère de la guérison, du corps et de l’âme, Jésus l’a confié après son départ à ses disciples, avec celui du discernement, en leur donnant l’Esprit saint :

 

« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Après, il souffle sur eux et dit : Recevez le souffle saint. Les fautes que vous effacerez seront effacées,

celles que vous retiendrez seront retenues. »

Evangile de Jean 20, 21-23

 

Ainsi les disciples se voient-ils assurés avec le don de l’Esprit saint de la faculté du discernement. A eux de susciter la foi authentique qui seule permet la guérison.

 

Le cœur brisé par ce qu’ils venaient d’entendre, ils ont demandé à Pierre et aux autres apôtres : Frères, que devons-nous faire ? Pierre a répondu : Pensez autrement et que chacun reçoive le baptême au nom de Jésus Christ, dans l’espoir de l’effacement de ses fautes.

Vous recevrez alors le don du Souffle saint. »

Actes 2, 37-38

 

A l’origine, la confession publique de cette foi dans le baptême entraînait la rémission des péchés. Il n’était pas question d’aveu de fautes précises. C’est la seule foi conduite par l’Esprit qui conduit au discernement sur notre péché et nous en libère. Recevoir le discernement c’est penser autrement.

 

 Ils ne sont donc plus condamnés, désormais, ceux qui vivent en Jésus Christ : la logique du Souffle, qui est la vie, en Jésus Christ t’a libéré de la loi de péché et de mort.

Epître de Paul aux Romains 8, 1-2

 

Non, nous-mêmes n’avons pas les capacités de mettre quoi que ce soit à notre compte, notre capacité vient de Dieu, qui nous a rendus capables de servir une nouvelle alliance,

non de la lettre mais du Souffle, car la lettre tue et le Souffle fait vivre.

2ème épître de Paul aux Corinthiens 3, 5-6

 

Rappelons-nous la condamnation féroce par Jésus du péché contre l’Esprit ; en nous fermant au souffle de l’Esprit, qui souffle où il veut (Jn 3  8), nous refusons définitivement de passer de la subjectivité (la loi de péché et de mort) à l’objectivité (la logique du Souffle) par rapport à notre péché, nous privant irrémédiablement du pardon de Dieu par la vie en Jésus Christ. En utilisant une métaphore devenue assez courante, nous pourrions dire que Paul nous invite à changer de logiciel, ce qui conduit ici à traduire le mot grec nomos en « logique ». Paul fait une utilisation complexe du mot nomos. Ici, j’utilise paradoxalement le terme « subjectivité » à propos de la Loi écrite, alors que justement on pourrait la croire objective car définie en des termes précis. Mais le message de Jésus relayé par Paul invite à dépasser la Loi écrite dont le respect scrupuleux peut aboutir au « pharisaïsme », véritable subjectivité chez des êtres persuadés d’être parfaits en cela. L’  « objectivité » donnée par le Souffle de l’Esprit doit nous conduire à nous mettre réellement en face de notre péché, à quitter l’aveuglement d’un conditionnement qui peut lui-même être engendré par le simple respect de la Loi écrite. 

 

Aussi je vous le dis : On pardonnera l’égarement ou le blasphème, sauf le blasphème contre le Souffle, impardonnable. Celui qui diffame le Fils de l’homme sera pardonné.

Mais nul pardon pour celui qui diffame le souffle saint, ni dans les temps présents,

ni dans les Temps à venir.

Evangile de Matthieu 12, 31-32

 

Le péché n’est pas une offense qui contrarie Dieu « personnellement », comme, dans une vision anthropomorphique, un blasphème peut blesser une personne ; c’est une faute contre la justice, la charité, qui s’incarne en un être humain entraînant la mort pour lui et autour de lui. L’achèvement de la création, la venue du Royaume, se trouvent contrariés. De même que le désordre introduit par le péché peut nuire à la bonne santé du corps d’un individu, il nuit aussi au corps social.

 

« Un membre souffre, et tous les autres souffrent avec lui,

un membre est glorifié et tous les membres se réjouissent avec lui. »

C’est vous le corps du Christ, et ses membres, chacun pour sa part.

1ère épître de Paul aux Corinthiens 12, 26-27

 

 

Le péché est toujours un manquement par rapport à l’autre, aux autres, et non une offense personnelle à un dieu jaloux dont il faudrait apaiser le courroux. Le sacrement de la Réconciliation tel qu’il est réhabilité actuellement ne met pas cette préoccupation au centre. La demande de pardon aux autres devrait être primordiale. Comment un prêtre peut-il pardonner un péché causant du tort au prochain sans exiger préalablement la demande de pardon auprès de celui qui en a été blessé ? Le dernier Catéchisme de l’Eglise Catholique n’en fait toujours pas une condition pour recevoir l’absolution des péchés, mais seulement un « possible » - il est vrai de simple justice - dans le cadre de la satisfaction, après la contrition et la confession exigées des pénitents :

« Beaucoup de péchés causent du tort au prochain. Il faut faire le possible pour le réparer (par exemple restituer des choses volées, rétablir la réputation de celui qui a été calomnié, compenser des blessures). La simple justice exige cela. » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1459). Il vrai que le thème de la réparation est repris dans l’exposé des « Dix commandements », mais enfin, quatre lignes sur 18 pages consacrées à la demande de pardon et à la réparation … la lettre tue ! Malheureusement, de mon expérience je peux attester que les prêtres eux-mêmes reconnaissent rarement leurs erreurs !

 

 Vous entendu qu’on a dit : « ne commets pas l’adultère. »

Eh bien moi, je vous dis :

C’est déjà commettre l’adultère avec une femme que de la désirer du regard.

Evangile de Matthieu 5, 27-28

 

L’œil est la lampe du corps.

Si ton regard est franc, tout ton corps s’illumine.

Mais si ton regard est fuyant, tout ton corps s’éteint.

Et comme elle sera noire, la nuit, si même la lumière en toi est obscure !

Evangile de Matthieu 6, 22-23

 

Ainsi le désordre du péché ne résulte pas seulement d’actes mais aussi de simples pensées. Il nous faut le regard de L’Esprit, tel que l’avait Jésus, pour discerner le manque de justesse du nôtre. Il est des péchés que nous ne pouvons voir parce que nous n’acceptons pas de modifier notre regard. Sommes-nous condamnés parce que nous ne pouvons tout voir malgré notre foi ? Au-delà du discernement de nos manquements, reconnaissons notre faille originelle. Dieu ne juge pas, car il connaît notre cœur ; son seul désir est que nous vivions car il nous aime et ne veut pas notre condamnation. C’est parce que nous nous reconnaissons pécheurs que Dieu peut nous manifester son amour (« Heureuse la faute… »). Il nous le manifestera à travers l’amour des autres donné et reçu dans cette reconnaissance mutuelle de notre faille originelle et de ses conséquences, dans le pardon mutuel, dans la réparation. C’est là le véritable sacrement de la Réconciliation.

Des efforts ont été faits pour essayer de redonner une dimension communautaire à ce sacrement mais l’accent semble de nouveau mis sur une émouvante dévotion pénitentielle individuelle. Elle peut permettre dans le meilleur des cas un certain discernement, s’apparentant à une direction de conscience (quelle vilaine expression) et d’être soulagé d’avoir « vidé son sac » à une personne liée au « secret professionnel ». On sort de là réconforté de paraître à soi-même « lavé plus blanc que neige ».

La Réconciliation, sacrement de la Miséricorde du Père, s’inscrit dans la convivialité du baptême et de l’eucharistie. Sous le Souffle de l’Esprit, nous reconnaissons Dieu comme notre Père, et, selon la recommandation de Jésus, nous lui demandons humblement de nous pardonner nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (Mt 6, 12).

Le sacrement de la Réconciliation n’est pas une dévotion intime ; Dieu nous a confié à tous le ministère de la Réconciliation, prémisse du Royaume où sa création trouve son achèvement.

 

Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle. Les choses anciennes ont passé, les choses nouvelles sont là. Tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par l’intermédiaire de Christ et qui nous a donné le service de la réconciliation. Comme il est dit : c’est Dieu en Christ qui réconciliait le cosmos avec lui-même, et ne comptait les transgressions de personne. Il a institué en nous le langage de la réconciliation.

2ème épître de Paul aux Corinthiens 5, 17-19

 

Le service de la réconciliation

Dans les grandes églises comme ici à La Dalbade à Toulouse, se trouvent plusieurs confessionnaux. Chaque prêtre (un curé et parfois 3 ou 4 vicaires dans une telle paroisse) avait le sien et c'était l'affluence la veille des grandes fêtes. Les chuchotements des pénitents étaient rythmés par les bruits d'ouverture et de fermeture des petits volets installés derrière une grille que le prêtre actionnait en fonction du pénitent confessé, à droite ou à gauche de la partie centrale où il se tenait caché par un rideau. Parfois les pénitents eux-mêmes étaient cachés par des rideaux. Aujourd'hui ces confessionnaux sont devenus des objets de musée parfois très ouvragés et suscitent la curiosité de ceux qui n'ont pas connu l'époque de leur utilisation.

Confessionnal de l'église Notre-Dame du Taur à Toulouse

Confessionnal de l'église Notre-Dame du Taur à Toulouse

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